L’Ontario réserve-t-il un bon hiver aux motoneigistes ?
J’avoue que j’ai du mal à me lancer dans la rédaction de cette sixième édition de nos prévisions d’hiver. Pourquoi ? Plusieurs motoneigistes le savent déjà : les derniers hivers ont été difficiles... Même quand toute la science ou la sagesse ancestrale indiquent que la saison sera parfaite, il semble que le bonhomme hiver en fait à sa tête. On dirait qu’on ne peut plus vraiment compter sur un bon vieil hiver canadien, enneigé et froid comme on l’aime, pour s’occuper de l’Ontario et de son armée de motoneigistes. Il n’y a qu’une constante : l’hiver finit toujours par arriver.
Pour être faire de la motoneige, il faut savoir espérer. Il faut avoir assez confiance et astiquer sa motoneige, acheter un nouveau morceau d’équipement, acheter ses droits d’accès, et faire les réservations nécessaires pour faire un voyage de « bucket list ». Sinon, on risque de regarder les motoneiges passer sous son nez pendant la période la plus excitante de l’année.
Comme dans mes plus récentes prévisions météo de l’hiver, mon objectif est de faire le tri des informations pour vous servir les prévisions les plus justes pour 2018-2019. Encore une fois, cette année, j’ai consulté bien des sources afin de vous livrer un avant-goût de ce que l’hiver ontarien nous réserve. Et de rêver avec vous !
Après un été comme celui qui vient de passer
L’été a été de soleil, de chaleur et de feu. Tout un contraste par rapport à l’été 2017 que le soleil a oublié et où on a enregistré des précipitations records partout en province. L’été 2018 a été parfait pour la plaisance, la baignade et le bronzage ! Il a aussi été le pire pour les incendies de forêt. On a recensé plus de 1000 foyers, dont plusieurs ont pris des semaines à maîtriser et qui ont touché des milliers de résidants et d’entreprises.
Pour mettre tout ça en perspective, sachez qu’il s’agit d’une augmentation de 87 % par rapport à la normale des dix dernières années. Les médias ont vite fait de rapporter — parfois avec sensationnalisme — ces feux souvent naturels. Ils ont fait fuir les touristes potentiels, même si certains feux brûlaient à plus de 100 km de destinations populaires comme les lodges, les centres de villégiature et les terrains de camping.
Les feux de l’été 2018 sont, sans aucun doute, l’effet des phénomènes météo extrêmes qu’on voit de plus en plus souvent. Néanmoins, il s’agissait d’un été chaud et sec, qui détonne complètement par rapport au précédent. J’imagine que le froid et l’humidité viendront.
Ce que les experts disent
À cause de la présence d’El Niño dans l’océan Pacifique, le climatologue David Phillips rapporte qu’Environnement Canada prévoit un hiver plus doux que la normale. Phillips pense aussi que l’hiver 2018-2019 sera plus court et plus clément que l’hiver dernier. Attention : Environnement Canada n’annule pas l’hiver pour autant. Nous vivons bel et bien dans le second pays au rang des plus froids et des plus enneigés de la planète ! L’hiver viendra graduellement, parce que l’été s’est accroché. La transition sera douce !
Phillips rapporte aussi que notre été plus chaud que la normale a contribué à l’augmentation de la température des eaux des lacs et des rivières. Ils retiennent cette chaleur et créent un automne plus doux. Le climatologue dit aussi que les modèles météorologiques sont bien plus compliqués que lorsqu’il a commencé ses études en climatologie il y a plus de 30 ans. Les courants-jets sont changeants, la glace fond dans le nord. Tout ça a une incidence sur les modélisations, donc sur notre aptitude à faire des prévisions exactes. Dans un article de CTV, Phillips dit penser que maintenant, le climat est un peu fou. « La nouvelle normalité, c’est de s’attendre à l’inattendu. »
Le niveau des eaux des Grands Lacs continue d’être au-dessus des normales, comme au cours des cinq dernières années. Les ingénieurs de l’armée américaine ont prédit, en janvier 2018, que le lac Supérieur battrait un nouveau record pour ce qui est du haut niveau des eaux, record qui remonte au milieu des années 1980. C’est bon à lire, après s’être inquiété des niveaux bas des eaux de certains Grands Lacs en 2013-2014.
Appelez une bouée!
On peut trouver une liste de toutes les bouées des Grands Lacs ici. On envoie un texto à la bouée de notre choix au 734-418-7299 pour voir les plus récentes observations. On ne peut pas envoyer des textos à chacune des bouées : seulement à celles dont le nom n’est composé que de chiffres.
Pour avoir un aperçu de ce qui se passe dans les Grands Lacs, j’ai envoyé quelques textos le 5 septembre en soirée... Résultats :
- Sud du lac Huron # 45149 — Température ambiante : 24,9 C ; température de l’eau : 22,9 C (16,7 C le 3 octobre)
- Nord du lac Huron # 45003 – Température ambiante : 20,3 C ; température de l’eau : 19,9 C (14,1 C le 3 octobre)
- Sud de la baie Georgienne # 45143 Température ambiante : 22,3 C ; température de l’eau : 22,2 C (14,6 C le 3 octobre)
- North Channel # 45154 — Température ambiante : 20,3 C ; température de l’eau : 20,3 C (14,1 C le 3 octobre)
- Supérieur Est # 45004 — Température ambiante : 14,0 C ; température de l’eau : 12,9 C (6,8 C le 3 octobre)
On le voit, même en septembre, les eaux demeuraient relativement chaudes. Les Grands Lacs, dont le plus froid et profond lac Supérieur, dégagent encore une certaine chaleur. Entre le moment où je rédige cet article et celui où vous le lirez, essayez-le, et observez la différence de température. Il sera aussi intéressant de texter les bouées en plein hiver pour savoir si l’hiver se prolongera, et s’il y a probabilité d’avoir encore des effets de lac.
Nous savons que si quand les Grands Lacs gèlent complètement, la machine d’effet de lac s’emballe. Nous savons aussi que si la température des eaux est trop élevée, elle réchauffe l’air ambiant — ce qui peut avoir une incidence sur les précipitations locales : l’hiver sera-t-il pluvieux ou enneigé ? Espérons que la température des eaux sera parfaite et le vent, constant.
Que nous réserv El Niño?
Le National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a émis une veille d’épisode El Niño pour l’hémisphère nord. L’organisme américain évalue de 65 à 70 % les probabilités qu’il y ait un incident océanique lié à El Niño cet hiver. Nous n’avons pas perçu El Niño depuis quelques années, et honnêtement, ce n’est pas un événement climatique favorable pour les motoneigistes de l’Ontario. En règle générale, ça veut dire que nous aurons droit des températures au-dessus de la moyenne.
Selon ce qu’observent les météorologues dans l’océan Pacifique, on dirait que le phénomène El Niño sera faible ou modéré, du moins comparativement à 2015, alors qu’un super El Niño s’était prolongé pendant 19 mois. Ceci dit, regardez les deux cartes ci-dessous. Je les ai utilisées dans mes prédictions précédentes pour vous aider à visualiser les effets d’El Niño et de La Niña. Si El Niño a une incidence sur notre hiver, espérons qu’elle sera faible et n’insufflera pas trop d’air chaud, sinon nous pourrions connaître de grosses variations dans les conditions de neige dans la province.
TESTÉ, VÉRIFIÉ
Tout juste avant la fête du Travail, l’almanach des fermiers a créé un buzz en publiant ses prévisions pour l’hiver 2019. Dans les réseaux sociaux, mes fils d’actualité étaient pleins de rapports citant leurs prévisions avec des titres comme « froid mordant » et « claquements de dents à prévoir ». C’est excitant — surtout que les rapports sont publiés si tôt. L’almanach prédit que l’Ontario pourrait recevoir des quantités de neige au-dessus de la normale ! Ça me dit que nous verrons d’abondantes bourrasques provenant des Grands Lacs. L’almanach dit aussi que le mercure pourrait atteindre la barre des -45 C° et qu’en février, on connaîtrait les températures les plus froides. En bon motoneigiste, j’aime ce que l’almanach prévoit — surtout que leur taux d’exactitude est de 80 %.
Dans le bois
Cette année encore, j’ai fait appel à l’expert du plein air, Backroads Bill Steer. Bill est le fondateur du Centre écologique du Canada et un prof de géomatique et de sciences naturelles à l’université Nipissing et à Canadore College. Bill est l’une des personnes les plus connectées à la nature de l’Ontario que je connais. Son opinion m’importe vraiment. Visitez son site web : il vous fera connaître plein d’aventures hors des sentiers battus!
Début septembre, Bill admettait qu’il était encore tôt pour colliger les signaux de la nature pour prédire le genre d’hiver qu’on vivra. Cependant, il dit avoir vu trop d’outardes voler au début septembre et que les gens du coin pensent que l’hiver arrivera tôt. Bill m’a aussi dit que les écureuils s’affairaient très tôt à faire des réserves — avant même que les feuilles changent de couleur.
Pour voir si l’hiver sera froid, Bill observe les huttes des castors. Si elles sont couvertes de beaucoup de boue, c’est le présage d’un hiver froid. Il n’a rien vu de cela cette année, ce qui veut dire que l’hiver sera généralement clément. L’année dernière, Bill avait visé juste : il avait prédit un hiver fou et en effet il a été en dents de scie. On a sauté le printemps pour se retrouver dans un été brûlant, sans vilain jeu de mots. Bill s’avance prudemment : début septembre, il croyait que l’hiver arriverait rapidement, mais qu’il y aurait peu de neige et qu’il disparaîtrait tout aussi rapidement. Entrée en lion, sortie en mouton.
MES PRÉVISIONS
Faites le plein de bois de poêle
Même si tout indique qu’on pourrait avoir un hiver El Niño, je pense que nous allons assister au retour de vortex polaires et que le mercure plongera longtemps sous la barre des -10. Les outardes ont quitté le nord tôt, les écureuils ont commencé à faire des provisions tôt, aussi, mais les castors étaient toujours à la tâche début septembre. Faites de hautes piles de bois de poêle et demandez à Grand-Mère de tricoter des paires de bas de laine de plus pour les enfants. Vous en aurez besoin.
Le vent des lacs
Nous avons connu un été chaud et sec, les Grands Lacs ont accumulé de la chaleur. Je crois qu’il y aura des courants-jets et que nous verrons des bourrasques de neige — l’effet de lac — dans des destinations clés pour la motoneige. Croyez-le ou non, l’année dernière, on voyait 12 pieds de neige dans un endroit où de bandes de neige étaient constamment créés. Enregistrez les stations radars d’Environnement Canada dans votre téléphone et préparez-vous à charger votre remorque si vous cherchez de la poudreuse digne de ce nom ! Et n’oubliez pas de texter vos bouées pour voir si les conditions « maritimes » changent.
Les fermiers ou l'homme des bois?
Il semble que les prévisions de l’almanach et celles de Backroads Bill se contredisent. L’almanach prévoit un froid à claquer des dents avec une période particulièrement froide en février. Selon les observations de Bill, la nature nous laisse présager un hiver hâtif, doux, qui se terminera aussi hâtivement. Peut-être assisterons-nous un heureux mélange des deux prédictions ? Je crois, comme Bill, que l’hiver démarrera en lion et finira en mouton. Ce qui veut dire que mars et avril seront idéaux pour parcourir les sentiers du Nord !
Mon opinion de motoneigiste
Je prédis un hiver turbulent, plein de hauts et de bas. C’est l’endroit où vous habitez qui dictera la force de l’alternance chaud-froid et pluie-neige. À la lumière de six années de prévisions météo, je vous conseiller simplement de sortir dès que les sentiers sont ouverts.
Nous observerons des températures extrêmement froides et un effet de vortex polaire, et peut-être à quelques reprises. Je crois fermement que l’effet de lac sera trop fort dans les destinations qui ont la réputation d’être enneigées et que beaucoup de neige couvrira le grand nord jusqu’en avril, comme l’année dernière. Vous pouvez donc prévoir un voyage dans le Nord plus tard dans la saison, mais réservez vos chambres rapidement : les hôtels, motels et les autres lieux d’hébergement afficheront complet dès que la neige fondra dans le sud.
Il y a une chose dont on peut être certain dans le Nord de l'Ontario : il y a de la neige et on accueille les motoneigistes à bras ouverts.
Le mot de la fin
Les motoneigistes sont des personnes très positives. Ils sont résilients, des durs à cuire, ils savent s’adapter, ils ont le sens de l’aventure et aiment découvrir de nouveaux horizons, essayer de nouvelles choses et repousser leurs limites. J’ai finalement eu l’occasion de participer aux Hay Days du Minnesota cette année et je peux vous dire que la passion pour la motoneige est toujours forte.
Les clubs de motoneigistes de toute la province ont travaillé tout l’été pour améliorer les sentiers, entretenir les dameuses et à développer le secteur pour que chacun de nous profite à plein de la saison.
Les droits d’accès aux sentiers sont en vente depuis le 1er octobre à prix réduit : c’est donc le temps de vous procurer votre permis !
La motoneige, c’est bien plus qu’une expédition en sentier. C’est un mode de vie, c’est des amitiés, c’est une aventure. Être un motoneigiste, c’est une passion qu’on nourrit toute l’année avec fierté !
On se croise sur les sentiers!