Chasser sans arme

Hearst, une ville qui a du panache!

Il y a une chasse que Stéphane Potvin pratique sans fusil ou autre arme. Seul son sens aiguisé de l’observation et ses années d’expérience lui permettent de dénicher sa capture : des panaches d’orignaux ou d’autres cervidés.

Rassurez-vous tout de suite, Stéphane n’abat pas les bêtes pour s’emparer de leur bois, ce qui est illégal, mais fait plutôt la cueillette de panaches que les cervidés perdent naturellement une fois par année. 

Il s’agit d’une véritable passion pour ce père de famille de Hearst, qui travaille pour une compagnie forestière et de construction. «La première fois que j’ai trouvé un panache, il y a 20 ans, c’était sur un chantier au nord de Hearst. J’étais vraiment excité de ma trouvaille! Je travaillais alors comme guide pour motoneigistes dans le Nord, pour les clients de l’hôtel de mon père. Ce jour-là, l’expédition comptait des Américains, dont certains d’entre eux pratiquaient la chasse aux panaches. Ils m’ont transmis leur passion. Depuis ce jour-là, j’ai porté une attention plus grande sur les traces d’orignaux et je suis devenu un vrai mordu.»

Si le chasseur trouve des panaches tout au long de l’année, c’est surtout après la période de chasse à l’orignal, qui se termine le 15 novembre, qu’il a plus de chances d’en dénicher. «Pendant la saison de chasse, je n’ai pas toujours l’occasion de récolter un gros panache, alors je le fais quand les orignaux perdent leurs bois pendant l’hiver, généralement entre le 15 janvier et le 15 février.»

Il ajoute qu’il récolte également des bois de chevreuils (cerfs de Virginie) quand il va à la chasse dans la région de Kenora et de caribous dans le grand nord de l’Ontario.  «Les chevreuils perdent leurs bois un peu avant les orignaux, explique-t-il, et les bois des caribous dès décembre. Leurs panaches sont plus légers et plus fragiles que ceux des orignaux. Ce qui est intéressant aussi c’est que chaque panache est unique, on en trouvera jamais un identique à un autre», précise Stéphane.

Hearst, capitale canadienne de l’orignal

Il faut dire que le territoire sur lequel Stéphane récolte des panaches d’orignaux est assez exceptionnel; Hearst et en effet considérée comme la capitale de l’orignal du Canada

«La densité de la population des orignaux dans la région est assez importante; il n’est pas rare de tomber sur 7-8 orignaux dans un même lieu. D’année en année, les orignaux se regroupent et reviennent aux mêmes endroits. Aussi, quand il y a beaucoup de neige ils bougent moins et demeurent dans la même région.»

Il mentionne par ailleurs que, comme la foresterie constitue l’industrie primaire de Hearst, il y a beaucoup de chemins d’accès dans les bois, ce qui facilite la circulation à bord de sa motoneige en hiver ou de son VTT avant la tombée de la neige.

Trophées et œuvres d’art

Stéphane récolte des panaches tombés depuis maintenant plus de 20 ans. À ce jour, il en a cueilli près d’une centaine. «J’en ai 80 chez moi. Ce sont tous de beaux souvenirs qui ont chacun leur histoire. Les autres, je les ai donnés à des membres de la famille et à des amis», raconte-t-il.

Fait inusité, Stéphane relate que, depuis toutes ces années, il ne lui est arrivé qu’une seule fois de trouver la paire de bois d’une même bête, une rareté étant donné que les panaches ne tombent pas en même temps et au même endroit. «J’ai trouvé le second bois à environ 30 mètre du premier. En mettant les deux ensemble, on peut s’imaginer de quoi avait l’air l’orignal.»

Les bois qu’il a trouvés dans la forêt deviennent donc des trophées montés et accrochés sur les murs de sa maison, alors que d’autres sont transformés en chandeliers, en lampes et même… en sapin de Noël.

«C’est ma mère qui fabrique des chandeliers. Elle a beaucoup de talent! Et j’ai un ami qui les sculpte pour en faire de véritables œuvres d’art. On les voit d’ailleurs un peu partout, dans les restaurants, les bars et lieux publics de Hearst.»

Stéphane a autant de belles histoires de récoltes de panaches que ceux qui ornent les murs de sa maison. Mais celui qui lui tient le plus à cœur est un impressionnant panache que son fils, tristement décédé à l’âge de douze ans, avait trouvé. «Mon fils était fou de joie quand il l’a découvert. C’est une moitié de panache assez imposant. Selon mes calculs, s’il y avait eu les deux bois, ils auraient eu une envergure de plus de 60 pouces sur la tête d’un orignal vivant. Cette belle pièce est toujours accrochée dans la chambre de mon fils et elle me rappelle de beaux souvenirs de lui», laisse-t-il tomber.

Aujourd’hui, Stéphane Potvin poursuit ce passe-temps passionnant en compagnie de ses deux filles de 10 et 18 ans.  «Elles sont rendues pas mal bonnes pour les spotter de loin! Et parfois, on a de belles surprises : on croit avoir trouvé un petit panache lorsqu’une pointe sort de la neige, mais quand on le déterre, il a parfois 12 ou même 15 pointes. C’est une sensation incroyable!»

L’ami Stéphane n’est pas le seul à s’adonner à la cueillette de panaches, de nombreux adeptes partout en Amérique du Nord sillonnent les forêts pour trouver ces bois de cervidés. De fait, il existe même des regroupements et associations qui tiennent des congrès annuels pour échanger des méthodes de récolte de bois tombés — ou «shed» en anglais — tiennent des records des plus beaux panaches et répertorient la liste des experts qui mesurent l’envergure des panaches, un art en soi!

Si le commerce de bois de cervidés peut être assez lucratif (entre 40 $ et 80 $ la livre, et pouvant aller chercher plus de 1000 $ le panache selon sa qualité) Stéphane Potvin affirme qu’il ne vend pas ses trouvailles, préférant les garder ou les offrir en cadeau.

Soulignons enfin que la vente de panaches est réglementée en Ontario. Selon le bureau de la conservation du ministère des Richesses naturelles, la loi permet à une personne de vendre ou d’acheter qu’une seule paire de bois tombés par année, sans permis. Et il faut comprendre qu’il s’agit uniquement de bois tombés naturellement et non de ceux qui sont encore attachés ou ont été coupés du crâne d’un cervidé. On reconnaît les bois tombés naturellement par la présence du pivot ou le bulbe arrondi situé à la base d’où ils se détachent. 

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À propos de Josée Panet-Raymond

Journaliste, rédactrice et coordonnatrice de rédaction, Josée Panet-Raymond collabore à la presse écrite et sur le web depuis près de 30 ans. Elle a occupé des postes dans de grandes salles de rédaction et est présentement rédactrice en chef du magazine L'Itinéraire, à Montréal, mais en tant que pigiste, elle a la liberté d’aborder une grande diversité de sujets. Du voyage à la culture, de l’éducation à la santé, son dada c’est le human interest qui lui donne le privilège d’être accueillie dans la vie des gens. En plus, elle apprend et découvre quelque chose de nouveau tous les jours. 

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