
Légendes du Nord ontarien : contes fantastiques et histoires de fantômes

Qu’arrive-t-il quand on décide d’aller danser pendant le carême? De travailler le dimanche? Ou qu’on ne va pas à la messe?
Découvrez-le dans le meilleur des récits fantastiques du nord de l’Ontario — des histoires où le surnaturel rencontre le quotidien, qui mettent en scène des esprits maléfiques, des fantômes et, bien sûr, le diable!
Des aînés franco-ontariens ont partagé ces légendes il y a des décennies… C’est au tour du Centre franco-ontarien de folklore de les partager avec nous!
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Récits fantastiques : quand le réel bascule dans l’épouvante
En mettant en scène des fantômes ou même le diable, la tradition orale indiquait la bonne voie à suivre… Ou peut-être, mettait-elle en garde les colons canadiens-français contre les comportements répréhensibles? On racontait ces récits fantastiques histoires aux enfants, près du poêle à bois!

Quand danser tente le diable à Guilletville ou à Timmins…
Dans les années 1940, un curé avertit bien ses ouailles pendant la messe du dimanche : malheur à ceux et celles qui sortiraient danser, pendant le carême! Cependant, une tradition était aussi bien ancrée que la messe : la danse du samedi soir à Guilletville…
Cette danse attirait des jeunes de toute la région, carême ou pas. Un soir, un beau grand jeune homme entra dans la salle et dansa avec toutes les femmes. Il dansait si bien, il était si élégant, que des langues de feu sortaient de ses semelles.
Suspicieuse, une jeune femme décida d’asperger la salle d’eau bénite. Le beau danseur rugit et prit la fuite, laissant échapper des tourbillons de feu. Elle avait vu juste : c’était le diable en personne!
Une situation semblable s’était produite à Timmins. Cette fois-ci, plutôt que de se diriger vers le plancher de danse, l’élégant inconnu s’attabla pour jouer aux cartes. Une jeune femme, apercevant des sabots sous la table, y glissa son chapelet. L’inconnu s’affola et passa à travers le mur de briques de la salle. Depuis, on essaie de boucher le trou, qui a la forme d’un homme… Rien à faire. Le trou ressurgit toujours.

L’église hantée de Fauquier
« Il y a bien longtemps », on racontait qu’un voisin de l’église de Fauquier assistait à un drôle de spectacle : toutes les nuits, l’église s’animait. À travers les vitraux perçaient des reflets dansants.
Un soir, vers minuit, le voisin décida d’en avoir le cœur net et franchit le pas de l’Église. Il y vit l’un des curés de la paroisse, mort il y a fort longtemps. N’ayant crainte, il lui demanda pourquoi il tournait, nuit après nuit, autour de l’autel.
« De mon vivant, je n’ai pas toujours fait ce que je devais, » répondit le défunt curé. Je n’ai pas dit ma messe tous les matins. Maintenant, je dois reprendre chacune des messes que j’ai manquées. »
Le vieux curé était au purgatoire… dans sa propre église!
Le voisin rentra chez lui et continua d’observer le manège, toutes les nuits. Puis, un soir, l’église resta plongée dans l’obscurité. Le prêtre avait fini d’expier sa faute. Il ne revint jamais. Avait-il gagné son ciel?

Les feux follets de Chelmsford
Un jour d’octobre 1925, le meilleur violoneux du canton débarqua à Chelmsford.
Comment résister à l’envie de danser, après une saison des récoltes exigeante… et à la veille de la Toussaint?
Un jeune couple, qui s’était marié juste avant les corvées d’automne, ne résista pas à la tentation. Après tout, ils pouvaient danser jusqu’à minuit sans risquer d’éveiller les feux follets de la Toussaint! Place à la gigue et aux quadrilles!
Tout à coup, le sifflement du train perça la nuit. Il était presque minuit! La foule se dispersa en vitesse.
Les jeunes mariés coururent en direction de leur demeure. Pendant leur course, des crépitements se firent entendre. Derrière eux, des touffes d’herbe s’enflammaient. Elles les pourchassèrent à travers les champs.
Arrivés au pas de la porte, les feux follets les talonnaient. Le couple entra, sain et sauf, mais à bout de souffle — et terrifié.
Aujourd’hui encore, le seuil de la porte de leur maison porte l’empreinte des semelles brûlées…

La chasse-galerie dans les chantiers de Mattawa
C’est l’histoire la plus connue d’entre toutes, mais cette version a son caractère!
Les hommes travaillaient aux chantiers de Mattawa depuis quelques mois déjà : ils coupaient, sciaient, empilaient, charroyaient les arbres. À l’approche des Fêtes, nombre d’entre eux s’ennuyaient de leur blonde. Le travail et la distance les empêchaient de rentrer…
Devant les tourments d’un jeune bûcheron, un homme l’invita à s’asseoir sur un long banc de bois. « Tu vas enlever les médailles et le chapelet que tu portes. Tu vas te cramponner. Tu ne vas ni prier, ni sacrer, ni faire un signe de croix. Et avant que le jour se lève, tu vas retourner sur ce banc pour rentrer au chantier. »
Le jeune homme passa la veillée avec sa blonde et, après minuit, retourna à son banc.
Il rentra au chantier, blême. Jamais il n’avait connu une telle peur : le banc s’était envolé au-dessus des forêts pour franchir des centaines de kilomètres dans la nuit glaciale.
On dit que c’était le banc du diable…
Des histoires de revenants
Qui dit récits fantastiques, dit revenants, non? Il existe encore aujourd’hui bien des histoires de jeunes femmes en robe qui font du pouce le long de la route… Certains esprits errent, d’autres ont trouvé le repos…

La maison hantée de New Liskeard
Au début du siècle dernier, près de New Liskeard, un jeune couple vivait retiré, à la lisière d’un bois. On ne les voyait que le dimanche, à l’église, discrètement assis dans un coin. Ils ne parlaient à personne.
Une nuit, un vacarme d’enfer surgit de leur demeure habituellement tranquille. Des objets volèrent, les vitres craquèrent, les bardeaux volèrent.
Apeurés, les voisins se rendirent chez le curé. La nuit suivante, le curé s’avança vers la maison avec ses paroissiens, goupillon et fanal à la main.
Le tapage avait repris. Toutefois, plus le groupe s’approchait de la maison, plus les bruits diminuaient. Un spectacle funeste les attendait dans la maison. Elle était est sens dessus dessous. Lorsque le curé aspergea la maison d’eau bénite, le fantôme d’une femme surgit. « Monsieur le curé, mon corps est enterré dans la cave depuis la semaine passée. Mon mari s’est enfui. Je vous en prie, enterrez-moi au cimetière. »
Le lendemain, le groupe revint avec des pelles et un cercueil. On accéda aux dernières volontés de la femme.
Aujourd’hui, elle est enterrée au cimetière et la maison a retrouvé le calme… mais plus personne ne veut y mettre le pied.

Le vieillard aux chaudrons de Noëlville
À Noëlville, au pied de la grosse côte qu’on appelait « Johnny Cake », coule un ruisseau.
Un jour, un homme tenta de le traverser avec son cheval. Celui-ci refusa net de mettre le sabot à l’eau.
L’homme descendit de sa monture et aperçut un vieillard coiffé d’un grand chapeau de paille, qui remplissait deux cuves dans le ruisseau. Il lui offrit de l’aider, mais le vieillard lui tourna le dos et disparut lentement derrière un rocher. Il le revit peu de temps après, près d’une érablière, portant encore ses deux cuves. Il l’appela et à nouveau, l’homme disparut.
Racontant sa rencontre inusitée à ses frères et sœurs, il ne récolta que des moqueries.
Quelques jours plus tard, alors que le jeune homme était aux champs avec ses frères, le vieillard apparut encore, au loin, avec ses cuves. Ses frères l’aperçurent; le vieillard disparut dans le bois…
Qui était-ce? Personne ne le sut.
Légendes autochtones
Il fut un temps où les légendes autochtones marquaient aussi le quotidien des colons français. Croyez-en Venant St-Germain, un marchand qui faisait le voyage entre Repentigny et la baie du Tonnerre en canot…

Thunder Bay au temps des voyageurs : la sirène du lac Supérieur
Un soir de mai 1782, le marchand Venant St-Germain lança ses filets de pêche à l’eau, près de l’île Pâté, dans l’anse du Tonnerre.
À une soixantaine de mètres de la rive, il aperçut tout à coup un être, mi-poisson, mi-humain, qui le saluait de la main.
St-Germain demanda à ses compagnons de voyage de lui apporter son fusil. La guide autochtone qui les accompagnait l’en empêcha : l’être qui se dressait tout près n’était nul autre que le dieu des eaux et des lacs, qui habitait la région! Gare à eux! L’être avait plongé devant la menace. Voudrait-il se venger de cet affront?
Dans la nuit, le vent se leva sur le lac. Les hommes eurent le temps de mettre le canot à l’abri. La tempête s’abattit sur eux pendant trois jours.
Était-ce vraiment Manitou Nibas Nabas, qui avait candidement salué le marchand voyageur? St-Germain n’en crut pas un mot… jusqu’à ce qu’un autre voyageur lui raconta la même histoire.
Plongez dans la tradition orale de l’Ontario français
Dans les années 1950, le folkloriste Germain Lemieux a décidé de prendre son magnétophone et d’enregistrer la tradition orale des pionniers canadiens-français du nord de l’Ontario.
Il a enregistré des chants folkloriques et des histoires, notamment quelques-uns de ces récits fantastiques.
Le Centre franco-ontarien de folklore est aujourd’hui le gardien de ces récits, compilés dans la série de livres « Les vieux m’ont conté » — qui compte 32 tomes, tous disponibles en ligne sur le site de la Bibliothèque nationale du Québec.
Où lire et écouter ces récits fantastiques ou ceux du quotidien
En 1996, Donald Deschênes et de Michel Courchesne ont retenu des enregistrements comme ceux de de Germain Lemieux et ont publié une vingtaine de récits fantastiques. Elles sont présentées ici avec l’aimable autorisation du Centre FORA et du CFOF. On peut consulter « Légendes de chez nous. Récits fantastiques de l’Ontario français » en ligne ou se le procurer en format papier.
Vous ne voulez plus? Chaque année, en octobre, le Centre franco-ontarien de folklore organise le festival « Les Vieux m’ont conté », qui réunit conteurs et conteuses de tout l’Ontario français.
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