Terry Fox, un monument à Thunder Bay
Il tenait bon, ce matin-là. Le temps était gris et pluvieux. Il toussait; la foule massée le long de la route l’encourageait. Il était perdu dans ses pensées. Entêté, il avait refusé de passer des examens médicaux : ils freineraient son Marathon de l’espoir. Terry Fox ne voulait pas s’arrêter.
La douleur est devenue si vive qu’au bout de 29 kilomètres, à l’abri du regard du public, il s’est glissé dans l’econoline beige qui le suivait depuis 3339 milles (environ 5350 km) et a demandé à son accompagnateur de l’amener à l’hôpital le plus près.
C’était le 1er septembre 1980 et, sans le vouloir, Terry Fox venait de mettre fin à son Marathon de l’espoir, dans le nord de l’Ontario. Le cancer qui lui avait fauché la jambe droite, en 1977, s’attaquait maintenant à ses poumons. Il devait rentrer en Colombie-Britannique pour être soigné.
En quittant l’hôpital de Thunder Bay, il eut du mal à traverser la rue. Pourtant, depuis le 12 avril, il courait plus de 37 km par jour.
À la mémoire d’un héros
Quarante-quatre ans après le Marathon de l’espoir, Terry Fox demeure bien vivant dans l’imaginaire collectif. Tous les ans, en septembre, les écoles et les communautés du Canada et d’ailleurs soulignent l’exploit de l’unijambiste qui avait entrepris, à 21 ans, la traversée du Canada pour amasser des fonds pour faire avancer la recherche sur le cancer. Terry Fox a galvanisé le Canada. Sa course a attiré les foules le long de la route; ses idoles sportives l’ont encouragé; les communautés l’ont accueilli chaleureusement et célébré.
Depuis, des parcs, des rues et des écoles portent son nom et des statues s’élèvent à sa mémoire. Il est aussi devenu un personnage historique du Canada.
À Thunder Bay
Sur la route transcanadienne 17, un panneau de signalisation marque aujourd’hui le mile 3339, là où Terry Fox a pris la lourde décision de se glisser dans la fourgonnette d’accompagnement. Pendant plus de 25 ans, le personnel du ministère des Transports a entretenu avec soin une simple borne kilométrique blanche coiffée d’une plaque commémorative.
Aujourd’hui, à quelques kilomètres à l’ouest, un belvédère commémoratif est aménagé sur la Transcanadienne. Un Terry Fox de bronze haut de 2,7 mètres (9 pieds) domine le lac Supérieur et le Sleeping Giant. Il repose sur un bloc de granite de 45 tonnes à la fondation d’améthyste, regard fixé vers l’Ouest. La toile de fond de la statue réalisée par Manfred Pervich dévoilée en 1982 est poignante, à l’image du destin du personnage. Sur le site, le respect s’impose et les témoignages sont émouvants.
Pour s’y rendre, il faut parcourir les quelque 80 km de la Transcanadienne reliant Nipigon et Thunder Bay, nommés «la route du courage Terry Fox» un mois après la mort du héros, soit en juillet 1981.
Terry Fox, un héros canadien
L’histoire de Terry Fox est bien connue de la population canadienne et ne laisse personne indifférent.
L’athlète de 21 ans avait entrepris la traversée du Canada le 12 avril 1980 à St-Jean de Terre-Neuve en trempant son pied dans l’Atlantique.
Trois ans plus tôt, il avait subi une amputation de sa jambe droite, attaquée par le cancer. Lors de sa convalescence, il s’était donné la mission de traverser le pays à la course afin d’attirer l’attention sur le cancer et de collecter des fonds pour la recherche.
Il a parcouru près d’un marathon par jour pendant plus de 4 mois. Il ne prit qu’une journée de repos, à Montréal le 23 juin — soit après plus de 70 jours de course — avant que la douleur ne le force à prendre une pause prolongée, le 1er septembre.
Dans le Nord
C’est dans le nord de l’Ontario que Terry Fox a couru ses derniers kilomètres, en suivant le lac Supérieur jusqu’à sa tête. Ici comme ailleurs, les anecdotes touchantes s’enchaînent.
Le 4 août, à Sudbury, il se rend compte qu’il a franchi plus de la moitié du parcours prévu. À Sault-Sainte-Marie, un bon samaritain répare un ressort de sa prothèse. Quelques jours plus tard, l’unijambiste affronte la montée de la rivière Montréal, qui s’étire sur 3 kilomètres. Pour l’occasion, Terry Fox porte un gilet sur lequel il est inscrit, à l’avant : «Montreal River Here I Come!» Au dos : «I’ve Got You Beat!»
Le 18 août, il est à Wawa. Dans les jours qui suivent, un compagnon de course se joint à lui : Greg Scott, un garçon de 10 ans originaire de Windsor, en Ontario, qui a perdu une jambe à cause du même cancer des os. Ils font un bout de chemin ensemble, se baignant notamment à Jackfish Lake. «Ça a probablement été le moment le plus émouvant de ma course», témoigne Terry Fox.
C’est le regard plongé dans le lac Supérieur que sa course s’achève. Il pense à tous les gestes d’appui et aux mots d’encouragement auxquels il a droit le long de la route. «J’ai commencé à réfléchir à toutes ces remarques au cours de ce dernier mille. C’est vrai, ce sera peut-être mon dernier mille», prononce-t-il, à Thunder Bay.
La suite
La fin du Marathon de l’espoir ne marque pas la fin de l’œuvre de Terry Fox, bien au contraire. Lui qui rêvait d’amasser un million, au départ, s’est permis de penser que sa campagne pourrait engranger 23 millions de dollars — soit un dollar par Canadien — lorsque les appuis publics se sont multipliés. Il a relevé le défi!
À son décès, le 28 juin 1981, la promesse de poursuivre son œuvre était déjà faite. Depuis, en septembre au Canada et ailleurs, la Journée Terry-Fox permet aux gens de se ressembler et de collecter des fonds pour vaincre le cancer. Plus de 700 millions de dollars ont été recueillis en 40 ans. Le rendez-vous annuel est donné le 2e dimanche (le lundi pour les écoles) suivant la fête du Travail.