En canot à Temagami
«Vous voyez cet espace exposé, là-bas?» Le pilote doit crier pour se faire entendre. «Il y a eu un incendie de forêt.» Nous essayions de capter ses paroles à travers le ronronnement du moteur et le bourdonnement de l’hélice, alors que nous survolions la forêt dense du nord de l’Ontario.
Le petit hydravion à six places de Lakeland Airways a atterri sur le lac, près de l’île de Temagami. Ma mâchoire est littéralement tombée quand le pilote a sorti une pagaie pour approcher l’avion du rivage. Il a ensuite attaché l’appareil à un arbre. Je n’avais jamais vu quelqu’un manœuvrer un avion comme ça.
Le vol donnait le coup d’envoi à une incroyable fin de semaine à Smoothwater Outfitters & Lodge, à Temagami. C’était la dernière chance de faire de la randonnée et du canot avant l’hiver.
L’île de Temagami est connue pour sa forêt de pins ancienne. Nous avons parcouru la région en nous émerveillant devant les gratte-ciel de la nature. La plupart de ces pins blancs avaient 300 ans, s’élevaient à 50 mètres de hauteur et faisaient environ un mètre de largeur.
Le sol forestier était un tapis richement décoré de feuilles d’automne tombées. Les longues aiguilles brunes du pin gris dominaient. Les feuilles brunes de l’érable à sucre et les jaunes des bouleaux et des peupliers faux-trembles ajoutaient de la chaleur au décor.
Le lendemain, nous avons fait du canot le long des rives glacées du lac James. Nous avons pratiqué le coup en J pour diriger le canot en ligne droite. Nous avons appris à utiliser une combinaison d’appel et d’écart pour faire pivoter le canot. La manœuvre circulaire est utilisée pour changer de direction. La glace commençait à prendre des parties du rivage. Elle était si épaisse que nous ne pouvions pas la traverser en la frappant avec une pagaie.
L’été, les voies canotables dans la région de Temagami offrent 2560 km d’exploration. C’est plus du double de la taille du réseau du parc provincial Algonquin. Certains parcours sont sur des eaux calmes avec peu de portages. D’autres présentent plus d’eaux vives. Temagami est également célèbre pour sa faune. Au cours de notre voyage, nous avons vu des sentiers de chevreuils et d’ours, des castors près de leur barrage et de nombreux oiseaux, notamment des geais bleus, des huards et des hérons.
La fin de la saison de canot ne signifie pas la fin des aventures au lodge Smoothwater. «Revenez en hiver», m’a dit Lena, un membre du personnel du lodge. «C’est le meilleur moment pour vraiment profiter d’ici. Il n’y a pas de vilains moustiques. Vous pouvez patiner sur le lac gelé. Ou si vous le souhaitez, vous pouvez faire du ski de fond.» Certaines pistes de ski sont damées. D’autres laissent libre cours aux skieurs qui se fraient un chemin en glissant le long des arbres délicatement enneigés.
«Écoutez, enchaîna Lena. Entendez-vous les chiens? Nous louons des équipes de huskies. En hiver, vous pouvez faire du traîneau à chiens.»
Ça fait environ deux décennies que j’ai vécu ce voyage en canot à Temagami. Pourtant, je m’en souviens comme si c’était hier. Je veux revenir en arrière pour voir comment mes compétences en canot se sont améliorées et pour explorer l’histoire des Noirs dans le nord de l’Ontario.
Temagami était un arrêt dans la route des fourrures. Pendant des siècles, les voyageurs franchissaient en canot la distance qui sépare Montréal du lac Supérieur pour échanger des fourrures, des marchandises et des histoires. Parmi eux, George Bonga, un homme noir et autochtone — on l’appelle parfois un Afro-Ojibway ou Black Ojibway.
George Bonga vivait à Duluth, au Minnesota, juste de l’autre côté de la frontière, près de Thunder Bay, en Ontario. Son père, Pierre, était le descendant d’esclaves et sa mère, Ojibwée. Ils étaient des commerçants de fourrure prospères. Son père a travaillé pour la Compagnie du Nord-Ouest, qui a éventuellement fusionné avec la Compagnie de la Baie d’Hudson, le détaillant emblématique de tout ce qui est canadien.
Ils ont envoyé George Bonga à l’école à Montréal pour qu’il apprenne le français. C’était essentiel, car Montréal était au cœur de l’industrie de la fourrure. George Bonga parlait couramment l’ojibway, l’anglais et le français. Il est devenu un commerçant de fourrures, un interprète et un diplomate prospère. Il a travaillé pour l’American Fur Company. Au nom des Ojibwés, George Bonga a signé deux traités avec le gouvernement américain, en 1820 et en 1867.
Les voyageurs quittaient Montréal au printemps et faisaient des milliers de kilomètres sur les lacs et les rivières. Ils empruntaient les rivières des Outaouais et Mattawa jusqu’à North Bay, puis le lac Nipissing et la rivière des Français jusqu’au lac Supérieur. Au cours du Grand Rendez-Vous, au Fort William (aujourd’hui à Thunder Bay), les voyageurs échangeaient des marchandises contre des fourrures avec les peuples autochtones. Ensuite, ils retournaient à Montréal en pagayant. L’aller-retour prenait de trois à quatre mois. George Bonga connaissait bien la route, l’ayant parcouru à de nombreuses reprises. Il n’était pas le seul commerçant noir, mais il était peut-être le plus connu.
Les loisirs de plein air et l’histoire des Noirs me passionnent. Un voyage en canot en suivant les coups de pagaie de George Bonga réunit ces deux passions. C’est ajouté à ma bucket list canadienne. Pour savoir comment planifier et organiser votre propre aventure de canot à Temagami, commencez ici.