Pour vivre ici : pour l’amour de la lumière du Nord et de l'Ontario français
La première de Pour vivre ici, le 8e long métrage de Bernard Émond, a eu lieu à l’ouverture des Rendez-Vous Cinéma Québec, en février 2018. En Ontario, la première de la fiction a eu lieu - à guichets fermés - en présence du cinéaste début avril à Sturgeon Falls, où a été tourné le quart de l’œuvre, en février 2017.
À ce moment, ce n’était pas la première fois que Bernard Émond rencontrait le Nord. Quelques années plus tôt, il avait tourné La donation, mettant aussi en vedette Élise Guilbault, dans l’Abitibi voisine, plus précisément à Normétal, à 140 km au nord de Rouyn-Noranda. Puis le cinéaste a participé à une grande rétrospective de son œuvre, organisée à Sudbury. En 2016, il séjournait un mois à Hearst. L’année suivante, il préparait Pour vivre ici, un road movie dans lequel on suit les traces d’une femme qui visite ses enfants à Montréal avant de pousser sa quête jusqu’au nord de l’Ontario, à Verner, où elle est née et a grandi.
Le Nord-Est ontarien : un peu comme chez soi
Et pourquoi camper Pour vivre ici dans le Nord ontarien ? « Dans l’histoire que j’ai imaginée, j’aimais bien que le personnage principal soit originaire de très loin, explique le cinéaste. J’avais besoin d’un personnage qui soit étranger au Québec, mais qui soit francophone, alors je pouvais aller au Nouveau-Brunswick où je ne connais personne, ou chez vous ! »
Mais encore : pourquoi Verner ? « Parce que c’est beau, tout simplement, admet-il. L’église est superbement conservée par les paroissiens. L’église, le presbytère, les maisons autour : c’est un magnifique petit village et on a été reçu tellement, tellement bien. »
Et d’ajouter : « Et il y a quelque chose qui me touche dans ce passé commun. »
Le lien linguistique qui unit le Québec et le Nord ontarien, fortement francophone, l’émeut. « J’aime beaucoup, beaucoup, beaucoup, le village de Verner. C’est comme l’archétype du village canadien-français. Verner est comme un village de chez nous, chez vous. Il y a eu une espèce de séparation entre les Québécois et les Franco-Ontariens ; et nous, Québécois, connaissons assez peu les francophones de l’Ontario. »
En 2012, alors que Bernard Émond était reçu à Sudbury, l’auteur et animateur franco-ontarien Normand Renaud lui avait dressé une liste de tout ce qu’il devait faire pour saisir l’Ontario français. Il a mis le plan à exécution. Il a alors renoué avec une réalité linguistique mise en plan par le Québec de la fin des années 1960. « Malgré tout ce qui a pu nous séparer, les Franco-Ontariens et les Québécois, il y a un passé canadien-français qui est commun et qui est solide. Et moi, je m’y sens chez moi. » En ce sens, Émond ne se dit pas nostalgique, mais plutôt conservateur.
Des terres en bois deboutte et une magnifique lumière
Au-delà de la francophonie, il retrouve dans le Nord ontarien un peu d’Abitibi qu’il avait connue huit ans plus tôt, lors du tournage de La donation. « C’est le même genre de pays, avec un peuplement qui est très semblable. »
Il poursuit : « Il y a quelque chose d’émouvant dans l’histoire de la colonisation de l’Abitibi et du Nord ontarien. J’imagine ces gens qui sont arrivés sur des terres en bois deboutte. Ce courage-là est presque impensable aujourd’hui. En plus, pour les Franco-Ontariens, on parle d’une histoire difficile de revendication des droits sur les questions scolaires et sur bien d’autres choses. »
Ce caractère se reflète dans la nature omniprésente et austère. « Il y a une beauté particulière dans le dépouillement de ces paysages-là. Il y a la beauté de la lumière. Il y a une vastitude et à la fois, il faut le dire, on ne voit jamais bien loin. Quelque part, on est prisonniers de la forêt. »
Pour vivre ici à Cinéfest?
(Rappel : cet article a été publié en 2018.)
Prisonniers de la forêt peut-être, mais l’Abitibi et le Nord ontarien sont résolument ouverts au cinéma. D’ailleurs, Bernard Émond aimerait bien que son film soit projeté lors du Cinéfest de Sudbury, qui en est à sa 30e édition en septembre 2018. C’est un habitué de cette manifestation de dix jours : il y a présenté La femme qui boit et 20 h 17 rue Darling.
Ce passage se doublera-t-il d’une présence au Festival international du film de Toronto? Après tout, le TIFF connaît bien Bernard Émond, ayant projeté cinq de ses huit fictions et accordant à La donation la mention du meilleur film canadien. Le cinéaste a aussi fréquenté le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, dont la 37e édition a lieu fin octobre 2018.
Mais avant, Pour vivre ici est projeté en présence de Bernard Émond dans le Nipissing, puis dans le cadre des Lundis Franco du cinéma Silver City et finalement à Toronto lors de Cinéfranco Spécial Québec en avril 2018.