Cobalt, la ville la plus historique de l'Ontario
Aux abords du lac Témiscamingue, dans le Nord ontarien, il n’y a pas que les eaux claires pour égayer votre séjour. Il y a aussi une histoire surprenante à découvrir. Des villes minières à la traite des fourrures en passant par une géologie millénaire, un passage dans la région promet d’être stimulant !
Cobalt, un passé argenté
Avec son mélange de vieux bâtiments — comme le théâtre et la banque —, d’anciens puits de mine et de boutiques au goût du jour, Cobalt représente sûrement le mieux la richesse de la région. La petite ville logée au cœur du Bouclier canadien recèle de bien des secrets. On y découvre au début des années 1900 des minerais d’argent lors de la construction du chemin de fer. En peu de temps, une ville champignon apparaît et devient le premier producteur d’argent au monde. Jusqu’à près de 1000 tonnes sont produites chaque année au plus fort de son activité et on y compte plus de 20 000 habitants. À partir des années 1930, l’activité minière s’enraye et la ville se déserte, délaissée de ses ouvriers partis ailleurs en quête d’expéditions minières plus fructueuses.
Aujourd’hui, Cobalt est peuplée de 1200 âmes et s’appuie sur sa riche histoire pour attirer des milliers de touristes, intrigués par ce passé argenté. Cobalt a même été désignée Ville la plus historique de l’Ontario (Ontario’s Most Historic Town) en 2001. Maintenant que le bruit des pioches sur les minerais a cessé, la douceur de vivre règne à Cobalt.
Tina Sartoretto, ancienne mairesse de Cobalt décédée en 2020, était fascinée par l’histoire de la ville où elle a grandi. «Quand je vois qu’il y a des bâtisses ici qui ont 110 ans, qui sont encore belles et en très bonne condition! Et qu’elles étaient construites dans un camp de mineurs! Ça me dépasse, c’est incroyable.» L’élue faisait partie de ceux qui sont revenus dans la région après avoir habité pendant longtemps à Sudbury. L’appel de l’histoire a été le plus fort : «C’est une belle petite ville, et c’est une petite ville bien intéressante, parce qu’il y a des gens très intéressants, fiers de leur ville et du patrimoine.»
En fait, l’histoire est tellement forte à Cobalt qu’il en reste des traces visibles un peu partout. Il y a par exemple le premier bâtiment préfabriqué du Canada, l’édifice de la Banque de commerce, qui s’y trouve depuis 1905. «Il y a un autre très beau bâtiment sur lequel est écrit “Bank of Ottawa”. Vous le verrez dans beaucoup de vieilles photos de Cobalt. À l’intérieur, c’est dans le même état qu’à sa construction», ajoutait la femme politique lors d'une rencontre avec les médias, il y a quelques années.
Une mine d’histoire
Jamie McIntyre, qui a travaillé pour Northeastern Ontario Tourism, a été agréablement surprise par la présence de l’histoire minière de Cobalt, dont les chevalements éparpillés à travers la ville témoignent. «Le centre-ville de Cobalt est incroyable. Je ne m’attendais pas à y voir la ville la plus historique de l’Ontario, mais ça a du sens : les gens sont arrivés pendant la ruée vers l’argent et jusqu’à 25 000 personnes ont habité ici. Ce boom est à l’origine de tout plein d’histoires.»
Bénédiction ou malédiction, l’argent a fait de Cobalt une ville prestigieuse au 20e siècle. En tant que première ville minière de la province, elle comportait alors des journaux, un tramway, une arène de hockey, une scène de spectacle et une gare de train. Quelques édifices de cette ère glorieuse subsistent.
Au 8 Lang Street trône le Canadian Imperial Bank of Commerce, construit vers 1916, un bel exemple de bâtiment de style géorgien, typique du début du 20e siècle. La Silver Street a vu la naissance du journal quotidien de la ville, le le Cobalt Nugget, distribué alors jusqu’à New York, Chicago et San Francisco. Après un déménagement, il devient le North Bay Nugget.
Le Royal Exchange Building sur Prospect Avenue, véritable jalon dans l’essor de la ville, contenait le Canadian Explosive Office, le General Electric Office, la Bank of Toronto, l’Ontario Surveyor’s Office et la bourse, entre autres. On peut aussi visiter la Cobalt Station, construite en 1910 par la compagnie du Temiskaming and Northern Ontario Railway. C’est certainement le bâtiment le plus élégant de la ville avec ses toits de style japonais et ses lucarnes pittoresques.
À la vue de ces bâtiments, vestiges d’une époque florissante, l'ancienne mairesse s’interrogeait : «Les mineurs habitaient ici. Ça devait être un camp minier, ça ne devait pas être des résidences. Mais les gens se construisaient des maisons dans la nuit. En regardant des photos de Cobalt, on se demande où toutes ces personnes habitaient. Mais à l’époque, il pouvait y avoir 10 à 15 personnes dans une maison à deux chambres», songeait-elle.
Pour se plonger dans le quotidien des mineurs d’argent de Cobalt, il y a le Colonial Adit Tour, une visite guidée d’une mine en opération de 1907 à 1937. Les tunnels ont été entretenus dans d’excellentes conditions et font resurgir des images d’hommes armés de pioche à la recherche de la veine qui fera leur fortune.
Le Cobalt Mining Museum dispose de la plus grosse collection de minerai d’argent au monde. «Les veines étaient taillées à la main avec des pelles et des marteaux, indiquait Tina Sartoretto. Quand on regarde autour, on voit des crevasses taillées dans le roc. Le minerai était tellement riche, que ce qui n’était pas complètement pur était laissé de côté». Certains ont même pu jouer aux apprentis prospecteurs dans les piles de roches qui existent encore autour de la ville. «Il y a quelques années, les gens passaient au travers pour trouver des morceaux d’argent. Je connais quelqu’un qui faisait ça quand j’étais petite. Il avait un détecteur de métal. Il s’est fait faire des barres d’argent. Ses enfants en ont encore, dans une voûte de Toronto!»
Pour Tina Sartoretto, l’autre moyen de faire un bond dans le passé est de tout simplement se promener dans les rues de Cobalt. «Quand vous passez dans la ville, vous pouvez voir plein de fondations : des maisons, des écoles, des églises, des mines. Il reste aussi de nombreux puits de mine, qui sont en mauvais état aujourd’hui. Mais ils sont centenaires. Il y en a un au centre-ville et un autre qui est ouvert aux visiteurs pour voir les rouages d’une mine, il y a 100 ans.» Tina Sartoretto a trouvé la formule qui résume bien Cobalt : «Nous avions des mines d’argent, maintenant on a une mine d’histoire. Et elle se détecte partout.»
Cobalt n’était pas seulement un lieu d’extraction minière. C’était aussi un centre culturel dynamique. «On parle d’une ville minière, mais d’une ville minière très artistique», relevait Mme Sartoretto. On y comptait un cinéma, une salle de spectacle et un opéra. Il y avait aussi un YMCA, le premier au nord de Toronto, avec une piscine intérieure et un court de basket-ball.» D’ailleurs, en entrant dans l’hôtel de ville, on en aperçoit encore la mosaïque et subsistent trois allées de quilles sous le plancher.
Le Cobalt Classic Theatre, bâti en 1926, est l’un des rares survivants de cette époque des débuts du cinéma. Le divertissement était essentiel pour le bon moral des mineurs qui s’y retrouvaient jusqu’à 70 fois par an pour des événements allant du théâtre à la musique en passant par la danse et d’autres spectacles divers et variés.
Les amateurs de hockey trouveront aussi un intérêt à visiter Cobalt. «Art Ross, qui a donné son nom au trophée Art Ross de la Ligue nationale de hockey, a joué pour les Silver Kings de Cobalt. Les mines se faisaient compétition : elles embauchaient des mineurs qui jouaient au hockey et elles s’affrontaient. Les propriétaires de mines misaient sur ces parties, construisaient des arénas. Il y en avait, de l’argent, dans la ville en ce temps-là », relatait Tina Sartoretto.
Des cicatrices toujours ouvertes
Tina Sartoretto remarquait qu’à l’époque les activités minières ne faisaient pas vraiment partie de la culture canadienne. «On a donc connu toutes les difficultés de croissance liées à la nouveauté de cette industrie. Les propriétaires ont pillé et ils ont laissé un héritage qui ressemble à des cicatrices», exprime-t-elle. Aujourd’hui, c’est surtout la ville et les sociétés historiques qui veillent à la préservation du patrimoine. «On essaie de créer un fonds pour assurer des investissements dans le patrimoine et de garantir sa longévité. Maintenir les puits, ça coûte cher», précisait l'ex-mairesse en 2014.
Car l’entretien est bel et bien nécessaire si l’histoire de Cobalt veut perdurer : en 1995, l’une des rues s’est affaissée. L'ex-mairesse : «Ça arrive dans les villes minières. Les mineurs ne devaient pas extraire le minerai à moins de 25 pieds de la surface du sol. Mais c’était tellement tentant! Comment laisser ce minerai-là? Alors, ils continuaient quand même à l’extraire.» Avec le temps, des trous se sont ainsi formés à la surface.
Le Bunker Military Museum est une autre destination de choix pour les passionnés d’histoire. À l’image de la ville, sa façade extérieure est sobre, voire défraîchie. Mais passé la porte, on y découvre un vaste univers, riche et fascinant. Pour Jamie McIntyre, le musée militaire n’est pas réservé qu’aux connaisseurs : «Je ne m’intéresse pas vraiment à l’histoire militaire, mais notre guide a cette passion qu’on voit souvent dans les petites villes. Ce n’est pas le premier endroit où l’on penserait établir un musée militaire puisque c’est une ville minière, sans passé particulièrement militaire, mais c’était un joyau inattendu !» Uniformes, armes, équipement… Ouvert en 1990 dans l’ancienne gare, le musée est l’un des plus gros en son genre dans le Nord. L’établissement retrace la période de la guerre des Boers aux conflits modernes et présente des artefacts du monde entier.
À Haileybury, les fruits de l’extraction
Si Cobalt dépeint la dure vie des mineurs, Haileybury montre l’opulence des magnats à qui l’extraction profitait le plus. Intégrée à la municipalité de Temiskaming Shores avec les villes de New Liskeard et Dymond, Haileybury constitue l’une des villes les plus pittoresques de l’Ontario. Elle a été créée par Charles Cobbold Farr vers la fin du 19e siècle, ancien employé de la Baie d’Hudson désireux de fonder une petite communauté sur les rivages du lac Témiscamingue (Haileybury était le nom de son école d’enfance en Angleterre). Avec l’avènement du chemin de fer et la découverte des gisements d’argent, Haileybury a connu un véritable boom démographique, devenant la ville-dortoir des mineurs, prospecteurs et promoteurs de Cobalt.
La Lakeshore Road est devenue la fameuse Allée des millionnaires (Millionaire’s Row) en référence aux propriétaires de mines, gestionnaires et autres professionnels qui y bâtirent leurs somptueuses demeures le long des côtes. On peut d’ailleurs loger dans l’une d’entre elles avec les Suites des Présidents, transformées à partir d’une magnifique résidence qui appartenait à Arthur Ferland, l’un des premiers propriétaires de mine et chef de file communautaire.
Malencontreusement, en 1922, un gigantesque incendie ravage la ville, détruite à 90 % par les flammes en seulement quelques heures. Le Grand feu d’Haileybury fait ainsi partie des dix pires catastrophes naturelles de l’histoire du Canada.
Aujourd’hui, la ville s’appuie sur sa riche histoire pour attirer des touristes et des vacanciers, en faisant une destination de choix dans le Nord ontarien. Les curieux pourront visiter le petit Haileybury Heritage Museum qui retrace l’histoire locale. D’autres iront profiter des plages ou du terrain de golf, et les plus courageux arpenteront le Sentier du diable (Devil’s Rock Hiking Trail), avec pour récompense à son sommet un formidable point de vue sur le lac Témiscamingue.
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