La route côtière de la baie Georgienne à moto
C'était évident que je n'avais pas tourné au bon endroit. J'étais sur la 540A alors que je devais être sur la 540. J'ai fouillé dans la pochette de mon veston de moto pour y trouver ma carte et j'ai constaté que je l'avais laissée à l'île Manitoulin et que j'étais maintenant sur l'île Barrie. C'est ce petit bout de route de l'autre côté de l'eau qui suit le long détour à grand angle.
Jusque là, rien n'indiquait que j'étais sur une île, sur la plus grande île en eau douce du monde. Un paysage vallonné de fermes parsemées de bottes de foin roulées contraste avec la toile de fond des roches glaciaires anciennes. De petits troupeaux de vaches et de moutons, l'absence d'activité, c'était assez pour me demander s'il y avait des habitants. Chaque fois que je m'arrêtais sur l'accotement pour vérifier ma route - le silence, d'abord écrasant — me transportait.
JOUR 1 : vers l'île Manitoulin
J'ai pris le traversier Chi-Cheemaun de Tobermory en mi-après-midi, et j’ai accosté, en retard sur mon horaire, sur la rive de South Baymouth. J'avais réservé à l'auberge Meldrum Bay Inn à l'extrémité ouest de l'île, à environ 133 kilomètres. Plutôt que de continuer sur la route 542 nord jusqu'à Gore Bay, je suis passée par Union Road, une route secondaire qui m'a raccourci de 18 kilomètres. La route défilait rapidement derrière moi; il n'y avait pas de circulation! Les tournants sans visibilité et les collines entrelacées avec de longs virages m'ont gardée en alerte; et puis, c'est arrivé! J'ai vu une énorme masse brune à 300 mètres devant moi—un chevreuil! Minola, qui aura 81 ans l'année prochaine, m'avait prévenue au sujet la forte population de chevreuils dans l'île. « C'est la pêche qui a attiré nos familles sur l'île il ya 29 ans » m'a-t-elle dit avec enthousiasme au cours de notre conversation dans la cafétéria du Chi-Cheemaun. J'ai vu deux autres chevreuils traverser le chemin ce soir-là et j'ai remercié tout bas Minola de son sage avertissement!
En sortant d'une autre longue courbe, j'ai senti l'ail! Sur la prochaine colline, elle était là, l'auberge Meldrum Bay Inn ainsi qu'un panneau indiquant la fin de la route 540. Shirin, la propriétaire, m'a accueillie avec une grosse embrassade, comme si j'étais un membre de la famille. Elle a insisté pour que je prenne un souper sans attendre puisqu'il était passé huit heures et qu'ils avaient gardé la cuisine ouverte en attendant mon arrivée. J'ai stationné ma moto, défait les élastiques qui retenaient mon bagage et je l'ai apporté à l'auberge, le laissant tomber sur le plancher du salon. Je me suis assise en m'excusant de me présenter « les cheveux aplatis par le casque » et j'ai savouré un fettuccini à la truite fumée dans une sauce Alfredo au whisky—j'ai reconnu l'odeur qui m'a accueillie sur la colline. Avec une bière bien froide, je me suis bien installée sur la véranda avant de l'auberge, profitant de la beauté du soleil couchant sur la baie Meldrum. Une douce brise provenant du lac faisait doucement bouger le carillon suspendu au-dessus de moi, créant ainsi un doux hymne à la tranquillité. Après neuf heures de moto—quelle belle journée, pensais-je, et quel sommeil réparateur je vais avoir!
Jour 2 : Explorer l'île
Après avoir rapidement fait le plein à la pompe du quai, j'ai envoyé un grand salut de la route menant à Shirin aux nouveaux amis que je me suis fait à l'auberge de Meldrum. La route 540 allait me mener à l'est jusqu'à la Réserve naturelle provinciale Misery Bay située sur un ancien fond de lac au relief tabulaire appelé alvar! Après avoir tourné sur la route de gravier qui mène à Misery, je suis descendue de moto et j'ai marché dans un petit sentier qui menait à un centre d'accueil et d'interprétation. Des bénévoles accueillants m'ont indiqué l'un des sentiers de promenade boisés les plus courts que j’ai parcouru en une vingtaine de minutes. Le boisé s'arrêtait au bord de la baie. Il y avait de grands morceaux plats de substratum et de roches, comme des dos de tortues qui émergeaient. C'est le résultat de glaciers présents à cet endroit il y a environ 10 000 ans. Je ne me sentais pas « misérable » en comparant mon âge à celle de ces alvars!
De retour sur la 540, direction est, et toujours pas de circulation. La quiétude a fait sortir un groupe de grues du Canada des bois et elles s'y sont timidement précipitées quand je me suis approchée. À environ 48 kilomètres de baie Misery, je suis arrivée à Evansville où j'ai pu admirer les chutes Bridal Veil avec plusieurs personnes qui se sont trempées dans l'eau plutôt fraîche et qui ont pris des photos à l'arrière du « voile » d'eau. J'ai continué vers l'est jusqu'à la Première Nation M’Chigeeng, l'arrière-cour de Sheguiandah. C'est dans cette région que les découvertes archéologiques ont confirmé les cultures paléo-indiennes et archaïques remontant de 10 000 à 2000 ans avant notre ère! Le Centre Great Spirit Circle Trail est situé sur la même route. J'ai eu le plaisir de rencontrer Falcon, un représentant de l'association des huit nations indiennes de Manitoulin. Ils vous font vivre une authentique expérience autochtone pour une somme modique. Camping en tipi, circuit patrimonial en canot et circuits de thé - le circuit patrimonial en canot m’a particulièrement attirée! Et avant de continuer, j'ai traversé la route jusqu'à la boutique Lillian’s Crafts and Museum of Porcupine Quill Baskets, qui abrite la plus vaste et la plus rare collection de paniers en aiguillons de porc-épic. Les plus petits paniers sont vendus à partir de 95 $ et, même si j'étais tentée, mon budget ne m'a permis d'acheter qu’un joli bracelet perlé fait à la main!
Le jour filait rapidement et avant d'arriver à Little Current, j'ai fait un court détour pour aller voir la montagne McLean, d’où, semble-t-il, on a la plus belle vue de l'île. La bretelle de sortie était un peu capricieuse - au milieu du sommet d’un détour. Le chemin McLean devient en gravelle au moment où il amorce la montée raide, suivie d'un tournant brusque. Les pneus sport BMW n'arrivaient pas à adhérer et ont fait tourner les roues dans le gravier sur le côté du chemin! J'y suis allée très lentement et, heureusement, il n'y avait pas de circulation! Rendue en haut, 328 mètres (1 075 pieds) au-dessus du niveau de la mer, j'ai apprécié le magnifique panorama de la région d'où je pouvais même voir Little Current! Je n'y suis pas restée longtemps parce que je n'ai pas pu résister à l'engouement de passer sur la gravelle dans la descente!
Jour 3 : Sudbury
Ma nuit à l'auberge Anchor Inn de Litlle Current m'a redonné de l'entrain pour une autre journée complète de moto! L'auberge donnait sur la marina et sa propriétaire Kelly (et son mari Bruce) m'ont accueillie comme une amie qu'ils connaissaient depuis toujours! Les gens sont tellement accueillants ici dans le Nord! J'ai encore en bouche le goût du corégone que j'ai mangé hier soir. Il était accompagné de légumes et d'herbes provenant directement du potager de Kelly! Trudy, la mère de Kelly, une motocycliste elle aussi m'a escortée jusqu'à Little Current, juste à temps pour l'ouverture du pont tournant. C'est la seule route qui traverse un étroit canal qui sépare Manitoulin de la beaucoup plus petite île Goat. Adieu Gitchi Manitou!
Le trajet vers le nord-est sur la route 6 relie des îles qui sortent au-dessus de l'eau des lacs qu'elle traverse. Après quelques heures, voilà que les parois de roche et les bordures de pin font place à la ville de l'industrie minière de Sudbury. Facilement reconnaissables les édifices en forme de flocon de neige de Science Nord—sont reliés par un tunnel en pierre qui passe dans une faille géologique d'un milliard d'années! On ne savait pas que cette faille existait quand on a commencé la construction de l'édifice. C'était un autre « bon signe » pour le plan d'aménagement du centre des sciences, précise le géologue Franco qui m'a personnellement fait visiter le centre. Je suis ensuite allée jusqu'au gros cinq cennes, qui s'appelle désormais Terre dynamique, juste à temps pour remplacer mon casque de moto par un casque de mineur et descendre sous terre pour faire la dernière visite de la mine de nickel!
Jour 4 : Rivière des Français
Le dernier jour d'un circuit en moto arrive toujours trop tôt! En route vers le sud sur la Route transcanadienne 69, j'ai roulé sur des sections de route dont le parfait état m'incitait à me hâter! J'étais contente de ne pas manquer le nouveau viaduc, qui permet le passage des animaux sauvages près du virage qui mène à Killarney. Le viaduc est décoré de gravures représentant les animaux pour lesquels il a été conçu afin de leur éviter de se retrouver sur cette section de la route où un grand nombre de collisions se sont produites entre véhicules et animaux sauvages.
Une autre heure de route vers le sud et me voilà dans la région de la rivière des Français qui fait la transition vers le Bouclier canadien. Je me suis arrêtée le long de la route au poste de traite de la rivière des Français —l'une des plus anciennes et des plus grandes boutiques de la région. En plus d'un superbe choix de marchandise, il y a un motel et une boulangerie qui offre du fudge maison et des biscuits en forme de « patte d'ours ».
Puis sur la route, à la prochaine droite, se trouve le Centre d'accueil de la rivière des Français, à ne pas manquer! Comme le décrivent ses architectes, il est par lui-même « une expédition de par son emplacement, son organisation, ses vues et ses expositions, et est de plus une construction écologiquement responsable ». Et comme l'indique l'affiche « freinez si vous voyez des serpents », vous ne voulez surtout pas quitter la route des yeux pour ne pas écraser un serpent à sonnettes!
Environ 45 minutes plus au sud de la rivière des Français la route 69 rétrécit. Ses longues courbes larges disparaissent en rejoignant la route transcanadienne 400. J'ai tourné à Parry Sound où se déroule le rallye annuel des motos de sport. La faim m'a amenée au port pour le dîner, au Bay Street Café, un resto très apprécié des motocyclistes. Le brochet local avec frites que l'on m'a recommandé étaient délicieux! Mais c'est la croustade aux pommes qui a remporté la palme dans ce pittoresque café du bord de l'eau!
De retour par la ville vers le Tower Hill Park & Garden, dont la route d'accès sinueuse donne au motocycliste un bref avant-goût de ce qu'est une randonnée dans les Rocheuses! En haut on trouve la tour d'incendie qui a remplacé la cabane de l'ancienne tour originale à pylône centenaire qui existe encore d'ailleurs. Il y a également un musée dont l'exposition change tout au long de l'année et des pistes entretenues à découvrir et où vous pouvez piqueniquer. De la base de la tour j’ai longuement regardé le sommet. Je savais que cet arrêt ne serait pas complet tant que je n'aurais pas monté les 131 marches, jusqu'à l'observatoire, à 29 mètres (96 pieds) — et je devais faire descendre la croustade aux pommes!
Autant j'avais tergiversé au sujet de mon matériel et de mon chargement, autant j'ai réalisé que je ne pouvais plus remettre mon retour à Toronto. J'ai grandement apprécié la baie Georgienne. Son énergie tonifiante, ses routes calmes et ses richesses historiques - quelle belle randonnée de découvertes sur une terre historique!
Voyez Randonnée en moto – Route côtière de la baie Georgienne – Baie Georgienne, Ontario, Canada sur une carte agrandie
Pour planifier votre prochain voyage en moto en Ontario, visitez le site planificateur de voyage interactif de l'Ontario où vous trouverez des itinéraires et des fichiers GPS téléchargeables!
Pour obtenir des renseignements sur les itinéraires de randonnée en Ontario, visitez le site www.GoRideOntario.ca.
Pour obtenir une liste d'événements de moto et de propositions d''itinéraires pour vous y rendre, visitez le site Ontarioamoto.ca.