10 villages fantômes où s’aventurer…
D’anciens sites de postes de traite qu’on trouve au hasard des rivières, des campements de mineurs laissés à l’abandon aussitôt que les derniers coups de pioche tombent sur les roches épuisées, ou bien des villes champignons aux abords de la ligne de chemin de fer pour accompagner le développement des colons dans les terres inhospitalières du Nord de l'Ontario : les vestiges du passé sont nombreux dans la région, témoins du passage de communautés qui ont façonné le paysage au 20e siècle.
Les signes de leur existence sont parfois futiles mais bien réels : des chemins à peine perceptibles, des écriteaux brinquebalants, des bâtisses croulantes, des ruines de campement minier, des prisons désaffectées, des cimetières laissés à l’abandon… Oserez-vous vous aventurer dans les villages fantômes du Nord ontarien?
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Dans le Nord-Ouest
1. Le château de White Otter Lake, la folie des grandeurs
Autour du lac White Otter, au beau milieu de la nature sauvage, un château contemple les eaux calmes et les bois épais – voici certainement la construction la plus étonnante de tout le pays.
L’histoire de la demeure, c’est l’histoire de Jimmy McOuat, venu vivre en ermite sur les rives du lac. À la seule force de ses bras et de son ingéniosité, il a construit seul un véritable château en utilisant les pins rouges des bois environnants. Au simple moyen d’un palan, il a installé les poutres de son immense chalet de trois étages, haut de 9 mètres. Il s’est même offert le luxe d’ajouter une tourelle culminant à 12 mètres! La construction de la bâtisse a démarré en 1903 et s’est terminée en 1915. Jimmy McOuat avait alors plus de 60 ans.
Le château de White Otter est à l’origine de nombreuses légendes, car personne ne sait vraiment pourquoi Jimmy McOuat l’a construit. Était-ce pour séduire une femme, pour combler un désir de solitude profonde, ou bien le résultat d’une malédiction, comme l’a laissé penser le constructeur solitaire?
Quoi qu’il en soit, la demeure est toujours là, curiosité humaine au beau milieu de l’immensité sauvage du Nord-Ouest ontarien. Posée près d’une plage de sable blanc, elle constitue aujourd’hui un monument à son créateur et au génie excentrique d’un homme qui a su transformer son rêve en réalité. Le château a été restauré par une association locale, les Friends of White Otter Castle, et une plaque a été ajoutée.
Le château est accessible par motoneige, en avion, en bateau et en canot. Quelques compagnies proposent des excursions : Browns’ Clearwater West Lodge et Ignace Outposts.
Nord du lac Supérieur
2. Silver Islet, l’argent fait le bonheur… pour un temps! (Nord-Ouest)
Silver Islet est sans doute l’un des secrets les mieux gardés de l’Ontario. Exemple parfait de la période minière de la région de Thunder Bay, la ville fantôme est un rappel à toutes les personnes attirées par l’éclat de l’argent : la prospérité n’est pas éternelle.
Peu de monde aurait parié sur cet îlot rocheux de la péninsule Sibley, nageant dans le lac Supérieur. Pourtant, un énorme gisement y a été découvert en 1868. De là s’ensuit une véritable ébullition, faisant tout simplement de Silver Islet la mine d’argent la plus riche au monde! En 10 ans d’activité, la mine génère pas moins de 3 millions de dollars, une véritable fortune pour l’époque.
Rameutés par la découverte du filon, plusieurs centaines de travailleurs installent des habitations brise-lames autour de l’île pour se protéger des vagues du lac Supérieur. Ils utilisent aussi de la pierre concassée pour stabiliser et étendre la superficie de l’îlot. La ville regroupe alors plusieurs bâtisses, un hôtel, une prison et un magasin général.
En 1883, les activités cessent brutalement, une cargaison vitale de charbon n’ayant pas été livrée. Les pompes qui repoussaient les eaux du lac ne peuvent plus fonctionner et les puits de mine, fouillant les abysses jusqu’à 384 mètres de profondeur, sont rapidement inondés.
Aujourd’hui, Silver Islet est devenu un lieu de villégiature estivale et les maisons sont louées comme cottages par des vacanciers. Le magasin général, lui, a été restauré comme salon de thé. Les chocs des couverts sur les tasses remplacent ainsi les bruits lourds des pioches sur la roche.
Pour s’y rendre : Silver Islet se trouve à même la péninsule protégée par le parc provincial Sleeping Giant. Le gisement est d'ailleurs à l'origine de la légende du géant endormi - ou paralysé, à la Gulliver - dans le lac Supérieur
3. Neys, le miniature IIIe Reich ontarien
Les rives sableuses et couvertes de bois flottant de la contrée n’ont pas toujours été une destination familiale pour les vacances. Avant que la région ne devienne un parc provincial en 1965, il s’agissait d’un camp de prisonniers de guerre abritant 500 nazis et une centaine de gardes!
Durant la Deuxième Guerre mondiale, la Grande-Bretagne est débordée et se tourne vers le Canada pour accueillir 35 000 prisonniers de guerre dans 26 camps à travers le pays. Trois d’entre eux élisent domicile sur les rivages nord du lac Supérieur, dont Neys Camp 100.
Entre 1941 et 1946, vit ainsi au beau milieu du Nord ontarien un demi-millier de soldats allemands du IIIe Reich. Les soldats sont divisés en trois groupes : les blancs, complètement désenchantés et rejetant le nazisme et Hitler; les gris, des soldats ordinaires; et les noirs, des fervents nazis présentant un très haut risque d’évasion et de violence. Le camp est alors entouré de trois rangées de fil barbelé et de tours de garde. Avec sa forêt épaisse et infranchissable, et la frontière naturelle que constitue le lac Supérieur, l'endroit est idéal.
Brièvement, entre 1946 et 1947, le site devient un centre d’internement pour Japonais. Puis le lieu est reconverti en camp de travail à sécurité minimale pour les prisonniers de la région de Thunder Bay. Il est finalement démantelé en 1953.
Trois historiens de l’Université Lakehead ont même écrit un livre intitulé Le troisième Reich sur le lac Supérieur. Ils y racontent notamment le code d’honneur strict mis en place : l’utilisation de la force ou de la violence était proscrite et les prisonniers étaient traités avec dignité, contribuant à la bonne réputation du pays. Les prisonniers passaient leur temps à faire du sport, de la musique ou des activités artistiques. Ils sont renvoyés chez eux en 1946, mais beaucoup immigrent au Canada par la suite, attirés par l’hospitalité canadienne.
Nouvel-Ontario
4. Burwash, le Shutter Island de l’Ontario
Si vous avez vu le film Shutter Island (excellent choix) et que vous avez toujours été excité à l’idée d’explorer un tel site, alors bienvenue à Burwash. Cet ancien centre correctionnel a fermé en 1975, mais sa présence continue de hanter les environs. Aujourd’hui, quelques explorateurs téméraires osent s’y aventurer pour apprécier sa beauté mystérieuse, ou se payer un gros frisson! (À noter que les lieux se trouvent sur une propriété privée, donc interdite d’accès.)
Construit pour accueillir jusqu’à 1000 prisonniers, le centre ouvre ses portes en 1914 et devient une véritable petite ville vivant en autarcie. Il dispose d’un hôpital de 20 lits, d’une église, d’une école, d’un bureau de poste, d’une forge, d’une boutique de tailleur, d’un barbier et même d’une patinoire. Pendant 70 ans, des milliers de personnes purgeront leur peine dans ces murs empreints de repentance.
La fermeture des lieux se fait en 1975, mais à la fin des années 1970, le terrain de 35 000 acres est racheté par le gouvernement canadien pour 1,8 million de dollars. Reconversion plus qu’étonnante, le site est loué pour faire de l’élevage de chèvres afin de produire du mohair! Depuis les années 1990, des bouts du terrain sont utilisés pour l’entraînement militaire.
Pour s’y rendre, on prend la route Burwash et la route Burwash Correctional Centre à partir de la route 69, à environ 35 km au sud de Sudbury.
5. Nipissing Colonization Road, la route des espérances
La Nipissing Colonization Road est une route de 120 km qui court du lac Rosseau, dans la région de Muskoka, au lac Nipissing. Elle est le résultat des efforts du gouvernement ontarien pour attirer des colons dans la région pour l’industrie forestière. Sa construction débute en 1864 et voit bientôt pousser de nombreux commerces tout au long, jalonnant le sentier comme des escales pour les voyageurs. Ainsi se créent de petits hameaux tous les 10 km : Seguin Falls, Ashdown Corners, Dufferin Bridge, Rock Hill, Bummer’s Roost et Spence. On y trouvait alors des petites écoles, des églises, des magasins, des hôtels, des forges, des scieries, des fabriques de wagons et de portes, un bureau de poste, des cimetières…
Une virée en lisière de la route raconte aussi l’histoire douloureuse des épreuves endurées par les premiers arrivants : mortalité infantile, terres inhospitalières et maladies. Une épidémie de grippe en 1902 emporte de nombreuses vies, les familles perdant parfois tous leurs enfants.
Aujourd’hui, il reste quelques maisons occupées. Près du village d’Ashdown, on aperçoit encore les restes d’un cimetière, d’une bâtisse et d’un chalet en bois en piteux état.
Pour s’y rendre, prendre l’autoroute 518 vers l’est à partir de l’autoroute 69 à Parry Sound pendant 30 km environ.
Sur la route 11
6. Reesor et ses granges abandonnées
Reesor est connu pour ses granges abandonnées et ses maisons qui s’écroulent au milieu de nulle part. Établi en 1925 par une petite communauté de réfugiés mennonites venus d’Europe, le hameau tire son nom de leur bienfaiteur Thomas Reesor.
Tout commence avec Jacob Toews et Jacob Heinrichs, qui échappent à l’Ukraine et à la Russie de leur temps pour bâtir une vie meilleure. Ils descendent des chemins de fer du Canadien National (CN) au point kilométrique numéro 103 et, las d’un long voyage au bout du monde, contemplent des terres vierges de toute activité humaine : leur nouvelle vie commence.
Tout est à bâtir. Les familles les rejoignent quelques mois plus tard. Puis, en plus des mennonites, viennent se greffer des Canadiens français attirés par l’exploitation de l’argile locale. Dans les années 1930, le patelin grossit et se dote d’une école, d’une gare de marchandises, d’un magasin, d’une cour à bois, d’un atelier de forgeron, d’un garage automobile, d’une salle de billard, d’un cimetière et même d’un journal intitulé Acta Nostra (Nos actes). Soit une trentaine de bâtisses au total pour plus de 120 habitants.
Mais l’essor sera de courte durée. Le déclin s’enclenche dès les années 1940 au fur et à mesure que les commerçants ferment boutique et les fermiers partent pour une herbe plus verte ailleurs. La ville donne malgré tout son dernier souffle dans les années 1970.
Aujourd’hui, il ne reste que des ruines à Reesor – quelques bâtisses et le cimetière. Pour l’anecdote, la maison du bienfaiteur Thomas Reesor est encore située à Scarborough, à Toronto, et est occupée par ses descendants depuis 150 ans.
7. Reesor Siding, le théâtre de luttes
À 3 km de Reesor se trouve un autre village déchu : Reesor Siding. Embranchement ferroviaire en 1916, il se pare dans les années 1920 d’un petit magasin, d’une scierie, d’une église, d’une école et même d’un court de tennis! Une centaine de personnes y vivaient, surtout des mennonites et des Canadiens français. Puis la Grande Dépression passe par là. À la fin des années 1940, la plupart des commerces ont mis la clef sous la porte.
L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais en février 1963 ce bout de chemin de fer fait la une des journaux, pour ce qui deviendra le conflit de travail le plus mortel de l’histoire du Canada – L’incident de Reesor Siding.
Une grève illégale de bûcherons éclate près de Kapuskasing. Ils protestent auprès de leur employeur, la Spruce Falls Power and Paper Company, contre le gel des salaires et une proposition de travailler 7 jours sur 7 pendant deux mois pour remplir les quotas. Le 10 février 1963, après plus d’un mois de grève, l’atmosphère tendue finit par exploser lors d’une confrontation mêlant 400 grévistes. Bilan de la nuit: trois morts et cinq blessés. Un monument près du site de la tragédie rend hommage aux trois victimes : Fernand Drouin, Irénée Fortier et Joseph Fortier.
8. Fraserdale, une croissance énergétique
Près du canyon Abitibi, cet ancien petit arrêt sur la ligne de chemin de fer du début du 20e siècle s’est rapidement transformé en une fourmilière de 1000 travailleurs.
L’aventure démarre avec la compagnie Ontario Power Service Corporation qui voulait implanter une centrale hydroélectrique dans les années 1930. Le projet s’accompagne de la construction d’un petit campement pour les travailleurs, alors nommé l’Abitibi Canyon Colony. Plusieurs services étaient à la disposition des employés : une salle communautaire, une patinoire, un stand de tir, une école, un hôpital, un magasin général, un bureau de poste, une église, une piscine, des pistes de bowling, une salle de billard, une bibliothèque, un théâtre et une arène de curling.
Jusqu’en 1966, le seul accès était par voie ferroviaire, à mesure d’un train trois fois par semaine. L’isolement stoppe alors avec l’établissement d’une route de 74 km reliant la bourgade à Smooth Rock Falls au sud. Mais au début des années 1980, le projet s’arrête et la colonie est démantelée.
Aujourd’hui, Fraserdale est un lieu prisé des chasseurs et des amoureux de la nature. Une route de gravier mène encore jusqu’à la centrale d'Otter Rapids.
Dans Algoma
9. Goudreau, le train, l’argent et le déclin inévitable
Goudreau est une de ces villes bâties autour d’un embranchement ferroviaire, en l’occurrence sur la ligne Algoma Central Railway en 1912. Au début des années 1920, l’activité minière commence à faire entrer la région en ébullition et Goudreau devient vite un arrêt incontournable pour les prospecteurs qui ont besoin de se réapprovisionner. La recherche d’or, d’argent et de cuivre attire alors jusqu’à 200 résidents permanents. L’occasion d’ouvrir un hôtel, des pensions, deux magasins, un garage, un cinéma et... un bain turc.
Durant la Deuxième Guerre mondiale, les métaux précieux comme l’or et l’argent ne sont pas autant convoités que le fer, le nickel et l’acier. Petit à petit, les mines ferment les unes après les autres et la communauté entame son déclin.
Aujourd’hui, le hameau ne compte aucun résident à temps plein, mais ses bâtiments sont occupés pour la période estivale par des vacanciers. Le garage, le magasin et une maison rattachée à l’ancienne école tiennent encore debout.
Aux alentours, plusieurs mines désaffectées
- La mine Cline, à 10 km à l’ouest de Lochlash, employait à elle seule jusqu’à 200 mineurs d’or, contenait une vingtaine de bâtisses et une petite école. Après avoir été un temps la plus grosse mine d’or de Lochalsh-Goudreau, elle cesse finalement ses activités en 1948.
- La mine Magpie, aux abords de la route 17, a été bâtie en 1911 et répondait dans un premier temps aux besoins en fer pour l’effort de guerre en 1914, une demande qui lui a assuré de beaux jours. On y trouvait alors 600 résidents logeant dans 14 bâtiments offrant l’électricité, l’eau courante et les égouts, des luxes pour l’époque. La guerre terminée, les opérations s’arrêtent en 1922.
- Un peu plus à l’est, Lochlash s’est développée comme petite station le long du chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP). Ne comptant que quatre employés au début des années 1920, les choses changent rapidement avec la découverte d’or dans la région. Dix ans plus tard, la fréquentation augmente en flèche entre Lochalsh et Goudreau avec les allées et venues des prospecteurs et des investisseurs. Le gouvernement fait même construire une route de 22 km entre les deux bourgades. En 1937, on y dénombre trois magasins, deux hôtels, un restaurant et un dortoir pour 200 habitants. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la plupart des mines d’or ferment et le reste des commerces mettent la clef sous la porte. Une bouffée d’air économique revient avec l’ouverture d’une grande scierie en 1962 par les Frères Dubreuil, à l’origine de la création de Dubreuilville non loin qui compte aujourd’hui plus de 600 habitants.
Au Témiskaming
10. Argentite, son passé argenté et ses mines abandonnées
À quelques kilomètres au sud de Haileybury, on trouve les restes de la vie bouillonnante d’Argentite. Fondée en 1897 avec l’établissement d’une petite scierie par deux entrepreneurs de New Liskeard, la ville devient une destination lucrative avec la découverte en 1903 de gisements d’argent. Une gare est mise en place, puis le hameau incorpore une école, une église, un magasin général, une boulangerie, deux tavernes, une auberge et un bordel.
Au tournant des années 1920, plusieurs des mines les plus importantes ont déjà fermé et les choses commencent à se ternir sérieusement. En 1922, Argentite est frappée par un gigantesque feu provenant de Haileybury. Seules la scierie et quelques maisons survivent aux flammes. L’événement dramatique fait fuir la plupart des résidents, et dès les années 1930, la ville se vide. Aujourd’hui, un pont et le cimetière Silverland sont les vestiges de ce centre autrefois plein de vie et d’espérances.
Non loin, c’est la mine Kerr/Giroux Lake Camp qui témoigne de ce passé argenté. En opération de 1904 à 1922, la mine a produit 27 millions d’onces d’argent, soit 765 tonnes. Le camp regroupe alors 40 bâtisses, deux magasins généraux, deux piscines communautaires, deux églises, une école et un bureau de poste. À son pic, on y dénombrait 300 âmes. Lorsque le précieux minerai s’est raréfié, beaucoup des commerces se sont relocalisés à Kirkland Lake. Au milieu des années 1960, tout le monde est parti.
Vous pouvez arpenter les environs pour découvrir les structures abandonnées et de vieux équipements miniers. Attention où vous mettez les pieds!
Pour en savoir plus...
Sur ce site, retrouvez un véritable travail d’archiviste répertoriant tous les villages fantômes de l’Ontario : https://www.ontarioabandonedplaces.com
Pour les amateurs d’histoires fantomatiques qui veulent se donner quelques sueurs froides : http://www.torontoghosts.org/index.php?/Haunted/Northern-Ontario/