Le coquelicot du Souvenir a pris racine à Thunder Bay
En 1921, lors d’une assemblée à Thunder Bay, la Française Anna Guérin convainc les vétérans du Canada d’adopter le coquelicot comme symbole du Souvenir, rejoignant ainsi les campagnes d’autres pays alliés.
Connue à l’époque comme «Poppy Lady of France», elle était en mission depuis déjà deux ans dans les pays alliés. Elle avait fait adopter le coquelicot aux États-Unis et s’était ensuite rendue en Grande-Bretagne. En 1921, elle proposait maintenant au Canada de faire du coquelicot un symbole de commémoration des soldats tués pendant la Première Guerre mondiale, qui s’était terminée quelques mois plus tôt.
Le symbole du coquelicot s'imposait lentement, avec le poème «In Flanders Field» du lieutenant-colonel canadien John McCrae paru en 1915, qui en fait un rappel du sang versé sur les champs de bataille.
Selon un article d’Ouest France, dès 1918, l’Américaine Moïna Michael avait décidé de porter cette fleur rouge en l’honneur des soldats et, au Canada, l’Imperial Order of the Empire avait déjà distribué des coquelicots en papier à Ottawa, Saskatoon et Winnipeg.
Mais l’idée d’Anna Guérin avait l’originalité de faire gagner de l’argent aux veuves et orphelins de guerre en France qui fabriqueraient les coquelicots de soie et aux vétérans du pays où ils seraient vendus à qui seraient versés les profits.
À Thunder Bay
En juillet 1921, la «Poppy Lady of France» se présente à une réunion de l’Association des anciens combattants de la Grande Guerre au Canada, tenue à l’hôtel Prince-Arthur, à Port Arthur. Des délégués de partout au pays y sont réunis.
Les membres de l’association naissante, un ancêtre de la Légion royale canadienne, adoptent le coquelicot comme «fleur du Souvenir». Dès novembre de la même année, 2 millions de coquelicots de soie fabriqués en France et en Belgique sont distribués en sol canadien.
Les coquelicots du Canada seront produits outre-mer jusqu’en 1922. Ce sont ensuite des vétérans canadiens qui les fabriquent.
L’hôtel Prince Arthur
L’hôtel Prince-Arthur où Anna Guérin a fait adopter le coquelicot du jour du Souvenir est aujourd'hui connu sous le nom de Prince Arthur Waterfront Hotel & Suites. À l’entrée, une plaque rappelle cette réunion déterminante. Les anciens combattants aiment bien s’y faire prendre en photo.
Le caractère historique de l’hôtel construit en 1911 dépasse la campagne des coquelicots. Tout neuf lors du passage de Mme Guérin, l’hôtel Prince Arthur conserve un fort caractère historique, avec ses hauts plafonds et ses menuiseries complexes. Des photographies d’époque sont affichées partout dans l’hôtel, ce qui ajoute à sa valeur pour les amateurs d’histoire.
À Sault-Sainte-Marie aussi
Revenons à 1921. Quelques jours après son séjour à Thunder Bay, Anna Guérin s’arrête à Sault-Sainte-Marie pour rencontrer les membres de l’Association des anciens combattants. Selon le Sault Star du 7 juillet 1921, Mme Guérin se montre particulièrement intéressée au passé français de Sault-Sainte-Marie — l’une des plus anciennes villes françaises au pays.
Elle profite de son passage et du lien entre la ville et son pays natal pour lancer un défi aux gens de l’endroit : celui de devenir la ville où l’on vendrait le plus de coquelicots per capita au pays. «I think that the prize will be a lovely French flag», dit-elle, soulignant qu’elle trouvait la ville si ravissante qu’elle y amènerait son mari l’année suivante.
Pour souligner l’œuvre de la Dame aux coquelicots
Le biographe de la dame aux coquelicots, Claude Vigoureux, qualifie Anna Guérin de «pionnière du charity business et du crowdfunding solidaire». Après tout, c’est elle qui a eu l’idée de faire du coquelicot un outil de financement dans l’ensemble des pays alliés, outil qui profiterait tant aux veuves et orphelins de guerre en France qu’aux vétérans nationaux.
Anna Guérin s’est éteinte à Paris en 1961 dans l’anonymat. Aujourd’hui, avec le centenaire du coquelicot, sa mémoire refait surface et les hommages se multiplient. Sheba Films, de Thunder Bay, a produit en 2018 le film «Où rougissent les coquelicots : Le Lakehead à la Guerre». Claude Vigoureux lui a consacré une biographie de 26 pages, accessible en ligne depuis 2021, et Heather Anne Johnson lance le livre «The Poppy Lady. The Story of Madame Anna Guérin and the Remembrance Poppy» chez Pen and Sword Books fin octobre 2022.
À partir d’un article de Bonnie Schiedel.