Les 50 ans de CANO à Earlton

La Coopérative d’artistes du Nouvel-Ontario s'est installée à Earlton le 28 janvier 1972.

La Coopérative d’artistes du Nouvel-Ontario s’installe sur une ferme de 320 acres à Earlton, le 28 janvier 1972. 

Ce regroupement d’artistes était déjà actif en 1970, mais il prend racine à Earlton en janvier 1972, pour ensuite plier bagage en 1974. Les décennies n’ont pas effacé ses traces. Un des leurs reste ancré à cette terre, entouré de bisons : Pierre Bélanger.

Des jeunes qui TROUVENT leur place

L’histoire commence au tout début des années 1970. Une vingtaine d’étudiants universitaires, installés à Sudbury mais provenant de tout le Nord de l’Ontario et d’ailleurs, cherchent un lieu de création. Certains créent des œuvres littéraires et musicales, d’autres s’adonnent à la céramique, au travail du cuir ou à la photographie.

C’est l’époque de la contre-culture. Ces jeunes adultes, lassés des Molière et autres classiques, cherchent à répondre aux personnes qui prétendaient qu’il n’existe pas de culture franco-ontarienne.

«On a une culture, mais elle est non exprimée», dit Pierre Bélanger, organisateur de la Coopérative. Toujours bien ancré dans son Témiskaming natal, il est aujourd’hui bien connu pour son amour de la table locale et du slow-food et, surtout, sa ferme de bisons, la première en son genre. Elle est d'ailleurs née à l'époque de la Coopérative artistique.

La vision des membres de la CANO était claire : «On n’amènera pas le théâtre à la rue; on va amener la rue au théâtre.»

Pierre Bélanger est alors directeur de la troupe de théâtre universitaire de l’Université Laurentienne. Il rappelle la mission de la troupe : «On ne jouera pas de pièces du répertoire. On va créer nos propres spectacles et ce sera des créations collectives. On va écrire des choses; on parlera de nos villes, de nos vies avec notre langue : le monde et la culture franco-ontarienne!» Finies les œuvres qui expriment des réalités qui ne sont pas celles des jeunes du Nord ontarien, dans une langue quasi étrangère à la leur.

C’est «la révolution sereine», le début de la littérature franco-ontarienne en tant que telle. Les artistes veulent exprimer une culture populaire, tangible, authentique, propre aux francophones du Nord-Est de l’Ontario et qui n’est pas celle du Québec.

La CANO, Groupe, Troupe...

Quelques mois plus tôt, en 1971, la troupe de théâtre de l'Université Laurentienne (celle dirigée par Pierre Bélanger et animée par les Gaston Tremblay, André Paiement, etc.), présentait le spectacle Moé j’viens du Nord ‘stie. Le spectacle est multimédia avec du langage hyper réaliste et des thèmes très modernes pour l’époque. Le jeu des acteurs, actrices est appuyé par de la musique et des diapositives.

Le spectacle est présenté dans de nombreuses communautés du Nord-Est de l’Ontario. Chaque représentation est adaptée au milieu pour que le public s’y identifie. C’est un triomphe! Le spectacle plaît, il bouscule beaucoup, choque l'Église. Pierre Bélanger dira : «Il faut pas que ça meure.»

Un vent créatif souffle sur le Nord et sa jeunesse.

La CANO : un mouvement fondateur pour l'Ontario français. Logo fourni par Pierre Bélanger.

Les artistes visuels

Le 28 janvier 1972, le collectif s’installe donc à Earlton. Pourquoi Earlton? C’est la terre natale de Pierre Bélanger. Il y a une ferme abandonnée de 320 acres, à vendre pour beaucoup moins cher qu’à Sudbury.

Des membres de CANO, sur la ferme à Earlton. Sur la photo, on reconnaît Claude Papineau-Couture, Pierre Bélanger (avec les chiens), Cédéric Michaud, André Paiement (auprès du cheval), Guy Boulet, Daniel Jacques et Michael Gallagher. Photo fournie par la Galerie du Nouvel-Ontario. 

«La plupart des gens pensent qu’on est une commune. Ce n’est pas le cas. Chacun pratique son métier individuellement», disait dans une entrevue, à l'époque, Claude Papineau Couture, céramiste au sein de la CANO.

Certains, certaines achètent des parts de la Coopérative, chacun, chacune paye son loyer et participe aux frais généraux. Il règne un climat d’amitié et de collaboration au milieu des ateliers, du jardin du poulailler et des animaux... comme les bisons.

Les artistes ne vivent pas nécessairement à la ferme. C’est plutôt le lieu de rassemblement où vit un noyau d’artistes et d’artisans.

1972. Earlton accueille un collectif d'artistes... et des bisons. Photo : courtoisie Bison du Nord.

CANO a connu ses années de gloire, surtout avec le groupe musical. «[La Coopérative) était très connue et médiatisée», dit Pierre Bélanger.

La Coopérative de Earlton recevait régulièrement de la visite. Des artistes comme Richard Séguin et sa sœur Marie-Claire ainsi que Zachary Richard s’y sont arrêtés au cours de leur tournée.

Plusieurs des artistes de la première heure de CANO ont eu une carrière artistique prolifique : André Paiement, Robert Paquette, Gaston Tremblay, Marcel Aymar...

Bousculer le Nord

CANO a brisé un plafond de verre. Après le spectacle Moé j’viens du Nord ‘stie, présenté en 1971, la troupe produira plusieurs créations collectives. Les écoles secondaires finiront par monter, à leur tour, des pièces affirmant l’identité franco-ontarienne.

La troupe de théâtre universitaire est devenue le Théâtre du Nouvel Ontario (TNO). La maison d’édition Prise de Parole, fondée en 1973, publiera des textes et de la poésie franco-ontarienne. La Galerie du Nouvel-Ontario est née des artistes actifs à Earlton. On doit à CANO-musique la Nuit sur l’étang et combien d’autres manifestations populaires de la culture franco-ontarienne. Aussi, à Pierre Bélanger, toujours bien présent à Earlton, le fameux ranch Bison du Nord

À propos de Marc Dumont

Ce que Marc Dumont aime particulièrement du Nord de l’Ontario, c’est qu’on y trouve facilement cet esprit de pionnier et un leadership porteur. Choisir d’y vivre compte parmi les bonnes décisions qu’il a prises dans sa vie. Dans une autre vie, il travaillait en éducation, mais aujourd’hui, il écrit pour Agricom, L’Express de Toronto, Le Voyageur du Nord-Est et plusieurs médias de l’Ontario français.

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