Ontario français : la confusion linguistique

Une bière sur un tab, promener son chien, aller au Cuba... Eh oui, c'est comme ça!

Pour moi qui vis en Ontario depuis près de 20 ans, l’insécurité linguistique se manifeste curieusement. Car j’habite à Sudbury, cette ville horriblement bilingue dans laquelle on parle français et anglais, parfois dans la même phrase. Cela contribue à créer un climat de confusion linguistique qui, plus d’une fois, m’a placé dans des situations humiliantes. Sans compter ma difficulté à prononcer correctement les mots anglais. Voici quelques exemples.

Une bière sur mon tab

Septembre 1998, je dois commander ma première bière en anglais à Sudbury. C’est au Peddler’s Pub. Mes collègues de Radio-Canada viennent juste de s’installer à une table. Je vais commander au bar, pour éviter que l’on entende la piètre qualité de mon anglais.

Moi : I want… a beer, please » que je demande maladroitement au serveur. Celui-ci, un francophile, entend mon accent et il essaie de me répondre en français, pour m’aider.

Serveur : Ok, tu voulez un bière, est-ce que-tu avoir un tab.

Moi : Yes I have one (je pense qu’il me demande si j’ai une table. Un tab, en fait, c’est un compte.)

Serveur : Toi avoir déjà des bières sur ton tab ?

Moi : (Je regarde ma table, mes collègues y ont mis leurs six bières) Yes, I have six.

Serveur : Veux-tu payer right now pour les bières sur ton tab ?

Moi (incrédule) : Euh....  I won’t pay for these beers.

Serveur : Who will pay pour les bières sur ton tab ?

Moi : I suppose that the people who drank the beers will pay for their own beer.

Serveur (embarrasé) : Usually, si un bière être sur ton tab, tu devoir payer pour ton bière.

Moi (indigné) : Peut-être en Ontario but not in Québec, voleur !

Des chocolate chips cookies, c'est tellement bon!

Mon premier fils, Raphaël, est né au Québec mais il a déménagé avec moi à Sudbury à l’âge de 2 ans.

Après sa première journée à la garderie de Sudbury, il se comportait encore comme un Québécois. Mais après sa deuxième journée, il se comportait déjà en Franco-Ontarien !

Fin de la première journée de garderie

Raphaël : Papa, sais-tu ce qui n’est pas juste et qui s’est passé à l’école aujourd’hui ? Nicolas n’a pas voulu partager son biscuit au chocolat !

Fin de la deuxième journée de garderie

Raphaël : Oh Dad, sais-tu ce qui est vraiment pas fair et qui s’est happené at school aujourd’hui? Nico a pas voulu sharer son chocolate cookie!

Les enfants apprennent si vite de nouvelles langues!

Quand j’ai réalisé que Raphaël aimait trop parler anglais, j’ai instauré une loi familiale. J’ai appelé ça le Règlement 17. J’ai interdit à mes  enfants de parler anglais à la maison avant d’avoir 17 ans. (Parce qu’anyway, après 17 ans ils sont tellement grands que je n’ai plus aucune autorité sur eux).

Aujourd’hui Raphaël est un grand garçon parfaitement bilingue. Comme ses jeunes frères et sœurs, il ne connaîtra jamais la confusion linguistique qui a tant fait souffrir son père en Ontario.

Un extrait du spectacle d’humour Honte à rien d’Éric Robitaille, dont une version plus longue a été publiée dans la défunte revue Liaison.

Autres sources de confusion linguistique

En Ontario français :

On n’est pas propriétaire d’une voiture, on appartient un char.

On ne va pas à Cuba, on va au Cuba.

On ne va promener son pitou, on va marcher le chien.

On ne perd pas son temps, on fourre le chien (après l’avoir marché?)

C’est mélangeant!

Pour voir un extrait du spectacle, cliquez ici. 

À propos de Éric Robitaille

Comme l’explique Darwin, Éric Robitaille a évolué. Il était singe, il est devenu Québécois, puis enfin, Franco-Ontarien. À cette hauteur, il a eu le vertige. Mais il n’a eu honte à rien. Animateur chez Ici Radio-Canada Première pour le nord de l’Ontario, Éric Robitaille est un observateur fasciné par l’Ontario français, si bien qu’aujourd’hui il comprend son milieu d’adoption et se sent chez lui.

 

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