Thunder Bay et le début de quelque chose de beau

Maxime Trudeau signe le texte gagnant de la première édition du Grand concours de rédaction du Nord de l'Ontario. Il nous raconte le début d'un road trip en solo vers l'Ouest...

Depuis que j’ai l’âge de conduire, j’ai toujours eu ce rêve, un peu fou, de traverser le Canada en voiture, d’un océan à l’autre. Qui sait, c’est peut-être la vie de Terry Fox, ma soif de liberté, ma quête des grands espaces ou bien un amalgame d’un peu tout cela qui m’a toujours inspiré à accomplir cet exploit?

Nous sommes au début de l’automne 2020. En plein cœur de la pandémie de COVID-19. Personne dans le monde entier n’est épargné, y compris les citoyens canadiens. Au contraire, tous ensemble, on se retrousse les manches et on se dit qu’on va passer à travers. Les temps sont durs. Les familles et les amitiés sont éprouvées.

Comme plusieurs, je n’échappe pas au malheur. J’ai perdu mon emploi, je suis confiné, je me sens seul. Je sens aussi que si je veux que le dicton «Ça va bien aller» s’applique à moi, je me dois de devenir capitaine de ma destinée, d’avoir les deux mains sur le volant de ma vie. Je réfléchis à ce fameux rêve que j’avais de traverser le Canada en voiture. Tout est réuni. J’ai du temps, des économies, pas de responsabilité. Go, je me lance, je le fais!

Le Nord de l’Ontario et sa conquête

Je ne suis pas la personne qui planifie le plus sa vie. Je suis un bohème dans l’âme. En ce sens, je me dis que j’irai là où la vie me mènera dans ce road trip. Toutefois, je planifie tout de même mon premier périple. Ce sera à Thunder Bay. Cette ville un peu au milieu de nulle part, aux abords du lac Supérieur, m’a toujours intrigué. Je ne saurais dire pourquoi, mais je le découvrirai. Peut-être j’y croiserai un des frères Staal, cette célèbre famille de hockeyeurs de la LNH issue de l’endroit! Je réserve trois nuits à l'auberge de jeunesse The Haven Hostel.

Mon point de départ étant la magnifique ville de Montréal, je roulerai ainsi une journée et dormirai en Abitibi, au Québec. Je partirai tôt le lendemain, roulerai de façon considérable pour atteindre ma destination. Je passerai par le nord de l’Ontario, car c’est plus francophone, comme moi, et j’ai souvent entendu parler en bien des municipalités de cette partie du Canada. Qu’il s’agisse de Hearst notamment grâce au hockeyeur Claude Giroux, Timmins et sa base militaire qui héberge nos valeureux soldats canadiens ou, dans d’autres mots, nos héros qui défendent et protègent notre nation et notre liberté, etc.

***

19 octobre 2020, ça y est, je me lance. C’est le jour 1, je suis quand même excité, je dois l’avouer. Je conduis au Québec, je ne suis pas trop dépaysé. Il fait froid, ça paraît que je suis plus au nord qu’à Montréal! La nuit est bonne.

Nous sommes le lendemain et je sors de mon Québec natal pour l’Ontario, tôt le matin. J’ai un bon 10h30 de route à effectuer. Cela sans compter les arrêts. 10h30 seul avec mes pensées, à réfléchir à ma vie, à me remettre en question. Est-ce que c’est absurde le projet que j’entreprends? Est-ce que je serai capable de conduire autant? Je suis dans l’inconnu, un peu comme dans ma vie d’ailleurs, dû au climat social.

Je roule, je mets de l’essence, j’arrête pour aller aux toilettes et j’en profite pour me prendre des cafés au passage. Je persévère, je ne lâche pas. Des petits détours dans les villes mentionnées antérieurement. C’est beau. Je me dis que ce sont de beaux endroits pour y élever une famille. Le temps y semble bon, la vie légère. J’ai un coup de cœur pour l’affiche géante de Claude Giroux en rentrant dans la ville de Hearst! J’ai l’âme en paix, je le ressens. Mon épopée canadienne à un sens.

Maxime Trudeau dans la cuisine du Haven Hostel
Maxime Trudeau au Haven Hostel.

Thunder Bay, Terre des âmes

Dès que je suis arrivé dans la ville de Thunder Bay, je m’y suis senti bien. J’y ai eu un sentiment réconfortant, comme lorsque nous sommes à la maison.

Il est tard, j’arrive à l’auberge jeunesse assez crevé de toutes mes heures de route. Une jeune femme de mon âge m’accueille. J’ai un bon feeling avec elle, je me dis, au premier regard, que nous pourrions vraiment être amis elle et moi.

Je mange un brin et m’ouvre une bière d’une microbrasserie du coin, préalablement acheté dans un LCBO au courant de la journée. Je suis assis dans le sofa avec mon rafraîchissement. Je réfléchis à ma vie. Je suis quand même loin de la maison, par contre, je me sens à ma place, je suis calme et serein, bref, je me sens bien. L’âme légère, ce moment me confirme que mon projet a du sens. Je suis fier de moi.

Après une bonne nuit de sommeil, je peux profiter d’une journée de congé de voiture, enfin! Il fait froid, mais je m’habille chaudement et je marche en ville. Il n’y a pas meilleur moyen de découvrir un nouvel endroit qu’en respirant son âme, ce qui l’a fait vibrer. Je me balade au bord de l’eau, près des quais. Je me dirige vers les magasins, je glande un peu. J’ai tout mon temps après tout. J’arrête au Dollorama pour m’acheter un balai à neige, ayant oublié le mien à la maison!

Je finis par retourner à l'auberge de jeunesse en après-midi. Je revois l’employé de la veille, qui a fini sa journée de travail et qui relaxe à l’auberge. On se met à jaser. Comme je l’avais senti la veille, ça clique instantanément entre nous deux. Elle me demande si j’ai vu le Sleeping Giant. Je n’ai aucune idée de quoi elle parle, mais elle m’explique et m’offre même d’aller le voir ensemble, au loin, dans sa voiture.

Le secteur riverain de Thunder Bay : de l'eau, un silo. L'eau est bleue comme le ciel.
L'eau est bleue comme le ciel. Ça fait du bien. Photo : Maxime Trudeau

Un moment inoubliable

J’ai compris ce qu'est le Sleeping Giant et ce qu’il représente pour la ville de Thunder Bay. Il est son gardien, toujours proche et jamais bien loin. Celui qui veille sur elle, par son calme et sa sagesse. Avec ma nouvelle amie, nous étions sur notre X à ce moment. Nulle part ailleurs dans le monde, nous n’aurions voulu être que dans ce moment précis, les deux ensembles.

On jase de tout et de rien. On parle de nos vies. De ce qui nous a amenés à nous retrouver là. Le bonheur n’est réel que s’il est partagé et, en ce sens, nous le partageons ensemble. Dans sa voiture, à contempler notre ami le géant. C’est ça la beauté du voyage. On rencontre de nouvelles personnes avec lesquelles on partage le bonheur. On se connecte avec des personnes à qui on a tout à offrir et ce sentiment est réciproque.

Toute bonne chose à une fin. Ce moment en a une. Mon amie me dépose pas trop loin de l’auberge, car je veux marcher un peu. Je décide de prendre une bière au casino. Je marche en soirée jusqu’à l’épicerie dans le but de m’acheter de quoi pour souper. Je retourne à l’auberge jeunesse, cuisine, mange et passe la soirée relax à regarder des séries télé. Une belle journée comme ça fait un bail que j’en ai eu une.

De la route, on aperçoit la formation du Sleeping Giant, comme un géant endormi dans le lac Supérieur.
De la Transcanadienne, on aperçoit le Sleeping Giant, comme un géant couché dans le lac Supérieur. Photo : Maxime Trudeau

Une dernière journée complète avant de partir

Le soleil se lève sur Thunder Bay. Il réchauffe la froideur du mois d’octobre. Il réchauffe le matin des honnêtes citoyens qui se rendent à l’usine et au bureau pour le travail ainsi qu’à la garderie pour porter les petits. Il réchauffe aussi ma douce insouciance.

Je prends ça relax, j’ai tout mon temps. Je veux respirer l’air pur de la ville. Je veux de la légèreté. Je vais prendre un café relax pas trop loin. Je prends mon temps. Je prends soin de moi. Je sors mon ordi et j’écris. L’écriture est importante dans ma vie, émotionnellement parlant. Elle me libère l’esprit. Thunder Bay m’inspire et j’en ai long à dire! Je texte mes proches pour leur dire que tout va bien.

La journée avance et il faut que je planifie ma journée de demain. Le reste de ma conquête de l’ouest. Je retourne à l’auberge et en après-midi je réserve ma prochaine nuit à Winnipeg. Je commence déjà à me sentir nostalgique.

Je passe la journée à l’auberge à apprendre à connaître de nouvelles personnes et refaire le monde. On cuisine ensemble. Ma précieuse nouvelle amie m’accompagne. On est une équipe maintenant, on sait que cette amitié le sera pour la postérité de nos vies respectives.

Après avoir offert la plus belle version de moi-même toute la journée, je commence à être fatigué. Je vais au lit tôt, sachant que je reprends la route le lendemain.

Triste de partir, mais heureux pour la suite

Nous sommes maintenant à mon dernier jour dans le Nord ontarien. Je finalise mes bagages, puis déjeune. Mon amie me propose une dernière activité, soit d’aller promener le chien de l’auberge avec elle! J’accepte, évidemment.

On marche tous les trois ensemble et notre bonheur est égal, même si je sens que le chien semble particulièrement heureux. On jase, café à la main, bien emmitouflé en raison du froid. C’est l’heure du bilan. C'est une fin heureuse, même si le moment est un peu triste. C’est la beauté des relations humaines, des humains et de leurs émotions.

Toute bonne chose à une fin. C’est la conclusion de mon épopée nord-ontarienne. La fin du début de mon voyage pancanadien. Avant d'embarquer dans mon auto, mon amie et moi nous faisons un gros câlin, empreint d’émotions et de nostalgie et on se dit qu’on restera en contact pour la suite, reconnaissant pour le voyage partagé.

Je quitte le cœur gros, mais l’âme et l’esprit en paix, signe que tout a été bien fait. Merci, Thunder Bay!

À propos de Maxime Trudeau

Maxime Trudeau se passionne pour les relations humaines, le sport, les voyages ainsi que l’écriture. L’idéal pour lui est de jumeler tous ces plaisirs en même temps!  Se consacrant à la rédaction plus concrètement depuis 2018, il transmet ses connaissances, son savoir-faire et son goût d’écrire à ses élèves, lui qui enseigne le français au secondaire. Crédit photo : Alouettes de Montréal