Parlez-vous tarois?

Les Franco-Ontariens se sont construit une langue à eux.

Que vous soyez du Québec, de la France ou d’ailleurs, le français de votre région est sûrement très différent de celui des Franco-Ontariens. Bien que l’origine soit la même, le français a évolué différemment, devenant le reflet de chaque milieu dans lequel il évolue.

Jetons un coup d’œil aux régionalismes de l’Ontario français qui amusent les visiteurs… ou qui les laissent perplexes.

De l’ancien français

Isolés de la métropole au temps de la colonie, et encore plus au changement de régime (il y a plus de 250 ans), les francophones du Canada ont conservé certains mots jugés archaïques par les Français.

Les Canadiens français portent des souliers avec des bas et les Français, des chaussures et des chaussettes. Ils font accroire plutôt que de faire croire. Dans le Nord ontarien, ils parlent d’adon plus souvent que de coïncidence. Ils aiment jouer avec des bébelles et elles portent des brassières plutôt que des soutiens-gorge. Même le mot «frette», tant utilisé pour désigner un froid extrême, proviendrait de l’ancien français freit.

Nous avons aussi tendance à doubler le pronom lorsque l’on pose une question, par exemple : t’en veux-tu? T'en as-tu?

L’Ontario français vous présente les bottes de pinne. Photo : Priscilla Pilon

Toi, tootes-TU de la horn?

Souvent, déjà, les Québécois sont étonnés du français des francophones qui vivent en situation minoritaire — c’est-à-dire dans une mer d’anglophones. Mais même d’une région à l’autre de l’Ontario, le français connaît des variations.

Pour klaxonner, on dira «peser sur le criard», «crier d’la corne» ou même encore, dans la région de Sturgeon Falls, «tooter d’la horn».

Cette dernière expression rappelle l’indéniable influence anglo-saxonne dans le vocabulaire des Franco-Ontariens. Dans les régions de Sudbury et de Sturgeon Falls, on dira «revenir back» au lieu de revenir ou «aller à la grocerie» plutôt qu’au supermarché.

De plus, on dit souvent «introduire une personne à quelqu’un» au lieu de présenter une personne à une autre et «machine à neige» ou ski-doo au lieu de motoneige.

Ça, c’est tooter d’la horn! Photo : Priscilla Pilon

On s’est construit une langue à nous

Peut-être allez-vous trouver que l’emploi de toutes ces expressions, «ça suce» ou «c’est poche». Si c’est le cas, c’est que notre langage de tous les jours vous déçoit! Mais sachez que plusieurs linguistes trouvent ça très riche!

L’omniprésence de l’anglais comme trame de notre société a des effets sur notre langage. Que vous décidiez de l’appeler de l’ontarois, du tarois, du franglais, on ne peut nier son existence : on s’est véritablement construit une langue à nous.

On dit prendre soin de (take care) pour faire attention, faire sûr (make sure) au lieu de s’assurer, order un pop et un doughnut au lieu de commander une boisson gazeuse et un beignet, manger une traite (treat) au lieu d’une sucrerie et membriété (membership) au lieu d’un abonnement. On dira aussi «J’care pas» au lieu de ça ne me dérange pas, check pour regarde, confusant au lieu de déroutant, consistant au lieu de constant et marcher son chien au lieu de le promener.

Comme vous le remarquerez, il peut parfois aussi s’agir de tournures de phrase copiées directement de l’anglais comme : de quoi tu parles de? (what are you talking about). Ce n’est pas l’idéal de terminer ses phrases avec des prépositions, mais dans notre registre parlé et familier, c’est tiguidou!

En fait, il y a tellement d’exemples que l’animateur Éric Robitaille a créé un spectacle d’humour autour des expressions du nord de l’Ontario! Il a même écrit un article à partir de son matériel de scène pour norddelontario.ca.

Extrait de l’essai Le Tarois d’Hélène Koscielniak, Liaison, printemps 2016.

Maintenant que vous connaissez un peu plus la langue de par chez nous, vous en venez-vous?

D’autres exemples
Manger d’la poule (ou d’la dinde — certain disent même du dinde) au lieu de manger du poulet,
se faire lutter par un char remplace se faire frapper par une voiture,
des bottes de pinne pour des bottes de pluie en caoutchouc,
entsourd pour en dessous,
asteur au lieu de maintenant
se bâdrer pour se donner la peine et
piquer une trail pour partir d’un coup ou bien se frayer un chemin en forêt.

Encore, parfois, on conjuguera atchoum qui deviendra atchoumer! 

À propos de Priscilla Pilon

Journaliste indépendante et coordonnatrice des communications et du développement au Théâtre du Nouvel-Ontario, Priscilla Pilon a longtemps été une globetrotteuse qui s'est toujours gardée bien ancrée dans la francophonie nord-ontarienne, soit dans ses racines. Passionnée de voyages, de nature et de photographie, elle adore explorer et partager ses aventures d’ici et d’ailleurs. Côté artistique, elle est l'esprit derrière Macramoé du Nord.

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