Manger la forêt du nord de l’Ontario

La prochaine fois que vous irez dans la forêt boréale, reniflez l’air et goûtez à ce qui vous entoure. Tout un monde de saveurs vous attend!

Il y a de quoi bien manger dans la forêt du nord de l’Ontario. Et je ne parle pas ici de son délicieux gibier sauvage (bien que j’en ai parlé dans mon Bistro sauvage du chasseur gourmet). Le menu d’aujourd’hui est végétarien. Commençons en douceur avec des produits familiers.

NDLR : Avant de les consommer des plantes sauvages, assurez-vous de les avoir bien identifiées, deux fois plutôt qu’une et à l’aide d’un guide, au besoin. 

Un goût fruité

Le nord de l’Ontario regorge de petits fruits sauvages qui explosent de saveur et, par conséquent, qui font les meilleures gelées et confitures que vous n’avez jamais goûté.

La région de Sudbury est célèbre pour ses bleuets sauvages. Tous les étés, il y a un festival qui célèbre ce petit fruit. Mais, bien sûr, il y a des bleuets sauvages partout dans le nord. Des lieux propices à la récolte sont les récents sites de coupe de l’industrie forestière. Mais sachez que vous êtes en compétition avec l’ours noir donc assurez-vous de faire amplement de bruit afin d’annoncer votre présence.

Les bleuets sauvages Photo : Elisabeth Joly sur Unsplash

En plus des bleuets, vous trouverez des framboises en bordure des forêts et des fraises sauvages dans les champs et les clairières.

Jusqu’ici, rien de super exotique bien que leur goût soit incomparable lorsque nous comparons ces fruits à leurs homologues cultivés.

Voici quelques autres suggestions avec lesquelles vous êtes peut-être moins familiers.

  1. L’amélanche — ou poire sauvage — ne goûte pas la poire. Du moins, pas selon mes papilles. Je décrirais son goût comme un mélange entre le bleuet et la prune. Ils sont vraiment délicieux alors ne laissez pas les oiseaux tout manger. Trouvez un arbuste et cueillez-en autant que vous pouvez. Vos chances d’en trouver à l’état sauvage seront d’autant plus élevées si vous vous retrouvez dans le nord-ouest.
  2. Le pimbina est le fruit de la viorne trilobée, un arbuste. Son goût sûr et acide rappelle celui de la canneberge, d’où son nom anglais de highbush cranberry. Alors là où vous utilisez les canneberges cultivées, essayez le pimbina.
  3. Si vous êtes aventureux, je vous dirige le long des chemins de terre. Cherchez la plante de la rose sauvage. Ici il y a deux récoltes possibles. Au début de la saison, vous avez une belle petite fleur rose. Un ingrédient très populaire au Moyen-Orient, vous pouvez faire sécher le bouton floral ou, une fois éclos, les pétales. Utiliser ceci comme épice ou comme base pour des gelées, des thés ou la classique eau de rose. Plus tard dans la saison, vous avez l’églantier, fruit de la rose sauvage. Celle-ci peut aussi être utilisée pour des gelées, des confitures ou des thés.
La rose sauvage. Photo : Daniel Pintilei sur Unsplash 

Des légumes hors du commun

Les forêts du nord de l’Ontario offrent plus que des petits fruits : elles offrent aussi des légumes sauvages. Commençons par quelque chose de familier : les champignons. Bon. Je sais qu’un champignon n’est pas techniquement un légume mais ignorons ce petit fait botanique pour l’instant.

Les chanterelles (Nick Grappone, Unsplash), la morille (Beth Macdonald sur Unsplash), la dermatose des russules (Sharksbaja sur Wikimedia Commons)

La forêt boréale compte des milliers d’espèces de champignons. Mais au cas où vous ne le saviez pas déjà, plusieurs champignons sont non-comestibles et certains peuvent même être mortels. Alors tenez-vous-en aux champignons les plus facilement identifiables. (La version anglaise de ce site a un super guide, d’’ailleurs!)

Au printemps, allez à la recherche de morilles. En été, régalez-vous de délicieuses chanterelles. Et finalement, en automne, allez à la chasse de la dermatose des russules, un champignon avec une couleur similaire à celle de la coquille d’un homard cuit et qui a même un goût de fruits de mer. C’est simple, on l’appelle lobster mushroom en anglais!

Chanterelles poêlées. Photo : Karin Kloosterman sur Unsplash

Là, vous êtes prêts pour des suggestions plus insolites? Commençons dans les marécages.

Allez patauger pour cueillir des quenouilles. À l’intérieur de la tige, vous trouverez un cœur croquant qui a un goût frais pas très différent de celui du concombre. Ces cœurs de quenouille peuvent même être marinés afin de prolonger le plaisir gastronomique.

De jeunes pousses

Je termine dans le monde des légumes avec un ingrédient vraiment hors du commun. Au printemps, vous le savez sans doute déjà, les conifères poussent de nouvelles longueurs au bout de leurs branches. C’est à ce temps-ci, lorsque les pousses sont jeunes et fraîches, que vous les cueillez. J’ai moi-même de la gelée de pousses d’épinettes dans mon frigo que je beurre sur mes toasts le matin. Mais vous pouvez les incorporer dans un mets : les pousses d’épinettes, de sapin baumier ou de cèdre vous rappelleront les forêts du nord de l’Ontario… et feront sans doute parler vos invités!

Les pousses de conifères. Photo : Yoksel Zok sur Unsplash

Inspiration d’infusions alcoolisées

Un petit verre après le souper… ou avant… ou pendant… bref, un petit verre c’est toujours agréable. Les produits de la forêt peuvent venir donner un côté nordique à vos cocktails.

La plus simple des préparations c’est un gin. Vous verrez, les infusions, ce n’est vraiment rien de sorcier.

Commencez avec de la vodka, un alcool neutre, et ajoutez des ingrédients végétaux. La saveur principale du gin vient de la baie de genièvre. Et comme vous l’aurez deviné, ces petites baies bleu pâle poussent dans le nord de l’Ontario. Mais comme la préparation de spiritueux est un type de composition, vous devez ajouter d’autres notes. Là c’est de l’expérimentation.

À la Crosscut Distillery de Sudbury, ils font un gin avec des baies de sumac et les fruits d’aubépine. Ils ajoutent d’autres ingrédients, bien sûr, mais pour bien y goûter, vous allez devoir vous acheter une bouteille.

Patrick Thibeault connaît bien le sumac — qu’on appelle aussi parfois le vinaigrier. Photo : Wikimedia Commons

Si vous ne passez pas à Sudbury, faites une infusion et laissez-la dans un endroit sombre et frais quelques semaines. Après, retirez les ingrédients de l’alcool et versez-vous un verre. Une petite shot de tonique là-dedans et vous êtes en business.

Une autre infusion qui suit la même technique simple c’est une eau-de-vie. Là encore nous commençons avec de la vodka ou un autre alcool neutre.

Toujours comme à la Crosscut Distillery, vous pouvez essayer une eau-de-vie faite avec du thé du Labrador, une plante qui pousse partout dans les tourbières du nord de l’Ontario. Où encore vous vous inspirez de la OG Distillery de Larder Lake, en ajoutant des bleuets sauvages.

Le thé du Labrador... Photo : Sébastien Marchand sur Unsplash

Finalement, pour un petit goût sucré et pour les plus aventureux d’entre vous, vous pouvez tenter votre chance avec un amaretto. Dans les forêts du nord de l’Ontario, si vous faites votre recherche, vous pouvez trouver des noisetiers à long bec. Faites rôtir les noix et préparez votre infusion comme avec le gin ou l’eau-de-vie. La différence ici c’est qu’à la fin, vous diluez votre mélange avec un sirop simple ou, comme moi je le préfère, avec du sirop d’érable. C’est vraiment cochon!

Infusion à chaud

Les herbes sont notre dernière catégorie des choses comestibles issues de la forêt du nord de l’Ontario. Nous parlons encore d’infusion, sans alcool cette fois. C’est avec de l’eau chaude qu’on prépare une tisane, vous le savez.

Là, la liste d’ingrédients possibles est très longue. Il y a tous les aliments déjà mentionnés, bien sûr. Une tisane aux bleuets, à la rose sauvage, au thé du Labrador ou aux pousses de conifères, c’est du bonbon.

Si vous voulez des ingrédients plus herbacés, voici une liste de produits de la forêt que vous pouvez faire sécher pour vos sachets de tisane : poivre des dunes, menthe sauvage, myrique baumier (les feuilles ainsi que les chatons), thé des bois, feuilles de framboisier, quatre-temps, argousier, feuilles de comptonie voyageuse, fleur de trèfle, aronia, thuya et aubépine (les feuilles et les fruits).

La menthe sauvage se trouve à l’odeur! Photo : Trenton Stevens sur Unsplash

Une belle marche de récolte en forêt, ce n’est pas pour vous? Pas de trouble. Boreal Forest Teas et Tea Horse, de Thunder Bay, offrent une grande gamme de tisanes sauvages. Tea Horse fait même des tisanes au riz sauvage, le plus célèbre des produits comestibles du Nord-Ouest ontarien.

Le riz sauvage. Photo : Jastrow sur Wikimedia Commons 

Alors voilà. La prochaine fois que vous vous retrouvez dans une forêt nordique, reniflez l’air et goûtez à ce qui vous entoure. Il y a tout un monde de saveurs qui vous attend.

À propos de Patrick Thibeault

Originaire de Kapuskasing, Patrick a toujours été l’artiste dans sa famille. Il a fait du théâtre, de l’impro, de l’écriture et de la musique. Lorsqu’il est parti étudier en enseignement, en littérature anglaise et en philosophie à l’Université Laurentienne, il a découvert une passion pour l’art culinaire. C’est lorsqu’il s'installe à Moncton au Nouveau-Brunswick qu’il voit son instinct créateur se réaliser dans la création et l’animation de séries télé. Jusqu’à présent, il a créé et animé Agrofolie et Agrofun en collaboration avec MOZUS Productions ; Frères, fusils et festins en collaboration avec Machine Gum Productions. Il travaille au Centre d’excellence artistique de l’Ontario à Ottawa en tant qu’enseignant de cinéma et télévision.

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